Figure 85. Photo de l’auteur.

Bienvenue au Chapitre IV consacré à la Petite Histoire du village prise dans le tourbillon de la Grande Histoire de la région. Ce chapitre qui est long est divisé en deux partie : le Chapitre IV-I allant de 1000 ans av JC jusqu’à la fin du XIV ème siècle

IV. I – INTRODUCTION.

L’objectif de ce chapitre est de raconter comment l’histoire du village s’est intégrée et a participé à l’histoire de la France.

La surface de nos sols n’a retenu que très peu de monuments très anciens : dans les profondeurs se sont entassées et perdues des poussières sans nom. Mais la contrée que nous habitons, au pied de nos Cévennes, Montes Cebennae, sur les bords du Gardon, fluvius Vardo, s’est vu possédée tour à tour par les Ibères-Ligures, les Celtes, les Romains, les Francs, les Visigoths, les Sarrazins. Elle a fait partie de la Gaule celtique, de la province Narbonnaise romaine, de l’Aquitaine, de la Septimanie, de la Gothie, du Languedoc. Elle a parlé le celte, le latin, le roman, le languedocien. Ces populations et ces langues se sont mêlées, toutes ont laissé l’empreinte de leur passage ou de leur séjour dans les appellations de localités, de sites, de montagnes, de rivières, dans les mots les plus usuels de notre langage. Tous ces mots sont le témoignage authentique de ces diverses occupations, superposées les unes aux autres, et se prolongeant jusqu’à notre époque. Nous sommes tout cela.

Nous allons suivre le cours de la Grande Histoire pour bien comprendre la petite histoire du village. Ainsi nous allons voir apparaitre St André d’Olérargues sur le chemin de l’histoire du Languedoc.

Pour ce faire, j’ai consulté plusieurs sources et j’en ai extrait une synthèse qui résume les siècles passés. Je m’étendrai un peu plus en détail lorsque j’aurais l’occasion de parler du village.

Je citerai les Puissants qui avaient l’autorité et ont gouverné nos terres.

Pour chaque siècle je raconterai dans quel état était la région et enfin je citerai quelques textes montrant l’évolution de notre langue. On dit souvent de nos jours, que la vie est dure, que le monde est fou ou encore que l’on plaint nos enfants pour l’avenir, qu’il y a une grande insécurité etc. Nous allons voir dans les pages qui suivent que l’on n’a vraiment rien à envier à nos ancêtres et que la vie à quelques très rares exceptions, était autrement plus dure et les dangers de mort plus présents !

Mes source, les plus importantes pour ce chapitre, qui sont consultables sont les suivantes :

– ALAIS ses origines, sa langue, ses chartes, sa commune et son consulat – Esquisses historiques & linguistiques par Maximin d’Hombre 1871

– Bulletin historique et archéologique de Vaucluse et des départements limitrophes. Par Joseph Sequin 1885.

– Académie de Mâcon. Société des arts, sciences, belles-lettres, et agriculture de Saône-et-Loire. 1921. Publication de L.H. LABANDE.

– Dictionnaire topographique du département du Gard, par M. E. Germer-Durand 1868

– DICTIONNAIRE LANGUEDOCIEN-FRANÇAIS par Maximin D’HOMBRES et Gratien CHARVET 1884

– Histoire générale du Languedoc par Dom Claude De Vic et Dom Vaissete. Editeur JB Paya Toulouse 1846.

– Abrégé de l’Histoire Générale de Languedoc par Joseph Vaissete. Editeur J. Vincent. Paris 1749.

– Mémoires pour servir à l’Histoire de Languedoc par M de Basville intendant de cette province. Editeur P. Boyer à Amsterdam 1734.

– Verfeuil par le Chanoine Roman, imprimerie Paul Bousrez Tours 1894.

– St André d’Olérargues par le Chanoine Roman, imprimerie St Cyprien Toulouse 1901.Réédition de 1995 par édition Lacour à Nîmes.

– Statistique du département du Gard d’Hector Rivoire publié chez Ballivet et Fabre à Nîmes en 1842,

– la revue Rhodanie N°37

– Carte archéologique de la Gaule: Le Gard / Michel Provost 1999

– JP JOLY Découvertes fortuites régions de Roquemaure et de Bagnols 1970. Rapports de découvertes, déposé au S.R.A. du Languedoc.

– revue Gallia 1975 p.526 et LH Labande 1902 p.149

– Archives paroissiales

– Diagnostic Patrimonial du Château par Claude Pribetich-Aznar

Je tiens à redire ici, que ma démarche n’est pas de réécrire, une fois de plus, l’histoire de la France ou plus précisément celle du Languedoc, pour cela je renvoie aux ouvrages sus cités. Ce que j’ai voulu, c’est rechercher comment avaient survécu les habitants d’un petit territoire qui a été emporté malgré lui dans les tourbillons des événements, souvent dramatiques, qui ont fait la Grande Histoire.

Figure 86. Photo de l’auteur.
IV. II – CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS HISTORIQUES.

Le territoire formant aujourd’hui le département du Gard était occupé par les Ibéro-Ligures.
Les Volques Arécomiques sont venus, vers l’an 400 avant J.C., remplacer sur ce sol les Ibéro-Ligures, qui l’avaient peuplé avant eux. Nous savons par les géographes anciens que les Volques Arécomiques s’étaient établis dans les vallées arrosées par le Gardon et sur la rive droite du Rhône, que leur capitale était Nemausus. C’est le nom romain d’origine celtique de la ville de Nîmes. Le toponyme Nemausus vient du gaulois Nemausos, terme désignant le dieu associé à la source sacrée autour de laquelle s’est formée la ville à l’époque préromaine.

Autour de cette capitale se groupaient vingt-quatre oppida moins importants.
C’est par vallées que le pays était organisé. Dans la contrée montagneuse, l’oppidum était assis au point culminant de la vallée, et par conséquent près de la source du cours d’eau qui l’arrose, ou tout au moins dans la partie supérieure de ce cours d’eau. Dans la plaine ou la région des marais, l’oppidum était situé d’ordinaire au confluent de deux rivières. L’oppidum et le cours d’eau qui occupait le fond de la vallée, grande ou petite, portaient et portent encore presque toujours le même nom. Ainsi l’oppidum des Virinnenses, aujourd’hui Védrines, (communes du Caylar et de Vauvert), se trouvaient au confluent du Vistre et du Rhône. L’oppidum celtique dit de Nages, encore subsistant, commande la vallée du Rhône (Rouanis), dont le nom latin, Saravonicus, est commun à ce cours d’eau et à un village annexe de Nages appelé aujourd’hui Solorgues. Celui des Statumenses, aujourd’hui Seynes, était situé sur une ramification du Serre-de-Bouquet, où la rivière des Seynes prend sa source. Les Vatrutenses avaient pour oppidum Vatrute, aujourd’hui Vié-Cioutat, commune de Monteils, sur une hauteur dont le pied est baigné au Nord et à l’Ouest par la Droude.

Aux oppida que nous venons de citer, sont venus, après la conquête romaine. Elles se sont superposées aux oppida celtes et gauloises existantes : aussi leur dénomination celtique s’est-elle souvent plus ou moins altérée. Nous pouvons cependant signaler l’oppidum purement celtique, perdu au milieu des bois, dans la partie montagneuse de l’ancien évêché d’Uzès, aux limites du Vivarais, qui a conservé encore aujourd’hui intacts sa forme et son nom celtiques : celui du Garn (Cairn).

Du 1er au 4ème siècle

La conquête romaine.

Les Romains prennent possession de la région. Les peuples indigènes résidents alors sont :

  • Les Gabales (habitants des montagnes), en Gévaudan, avec pour capitale Anderitum (devenue Javols)
  • Les Ruthénes (ce qui a donné Rouergue, c’est un peuple venu du delta du Danube) ils se sont alliés à Vercingétorix contre les romains.
  • Les Vellaves (ce qui a donné Velay et le rocher du Puy avec la statue du Mont Anic- de « Anicium ») donnent plus tard leur nom à la province Velloise avec Vienne et Lyon
  • Les Helviens, qui ont donné le nom au Vivarais
  • Les Volques Arécomiques qui ont fondé Nîmes se sont alliés aux Romains en 121 avant J.C. En récompense, le sénat romain permit à Nîmes et aux vingt-quatre Oppida placés dans sa dépendance de conserver leurs lois, leur religion et leurs usages. Rome trouva alors dans les Arécomiques des sujets toujours fidèles et toujours étrangers aux mouvements qui agitèrent la Gaule.

Après la conquête totale de la Gaulle, les Romains s’installent jusqu’au 5ème siècle et décident la formation des provinces : l’Aquitaine (première capitale : Bourges) et la Narbonnaise (capitale Narbonne). La frontière naturelle est le Causse Méjean.
Pendant l’occupation des Romains, le territoire actuel du département du Gard fit d’abord partie de la Province romaine (114 ans avant J.C.). Sous Auguste, les Arécomiques furent incorporés à la Narbonnaise, créée par cet empereur en l’an 26 avant J.C. ; puis, quand la Narbonnaise fut divisée en deux provinces, la Première Narbonnaise et la Seconde Narbonnaise, la Civitas Nemausensis (la cité de Nîmes) et son territoire firent partie de la Première Narbonnaise.

Il n’est pas un point du département où l’on n’ait découvert et où l’on ne découvre à chaque instant des restes d’oppida, de villae, etc. qui prouvent qu’il fut alors un des points les plus peuplés et les plus florissants de la Narbonnaise.
Ce fut, alors, une période qui a été appelée « la paix romaine » et qui a duré jusque vers l’an 400 après J.C.

Un record pour la région, mais cela n’allait pas durer. Ce fut aussi le début de la christianisation.

Puis au 2ème et 3ème siècle av. JC, les Romains conquièrent la région. Au 4ème siècle les Wisigoths prennent possession à leur tour de la contrée. A partir du 5ème siècle, Francs et Wisigoths se disputent le Sud, alors que les Huns venus du cœur de l’Asie repoussent les autres peuples au nord. Puis c’est le tour des Francs qui se présentent tels des barbares païens et violents alors que les Wisigoths sont des chrétiens ariens. Les Wisigoths ont gardé les structures Romaines en place, se servant de la monnaie, de l’écriture, de l’architecture et d’autres acquis romains. A partir de 7ème siècle jusqu’au 10ème, ce sont les incursions musulmanes. Les Sarrasins remontent d’Espagne et envahissent le pays

Au début du XX° Siècle l’orthographe du nom est identique à celle d’aujourd’hui. Nous le voyons par exemple dans un procès-verbal d’une séance du Conseil de Fabrique(1) datant de 1906.

Figure 87. Source http://soutien67.free.fr.

L’historien Ammien Marcellin (en latin Ammianus Marcellinus) 330-395 environ. Quoique d’origine grecque, il a écrit en latin et il est d’ailleurs le dernier grand historien antique à utiliser cette langue.

Voici ce qu’il dit des mœurs de nos ancêtres les gaulois au IV° siècle :

« Les gaulois sont presque tous blancs & de haute taille ; ils ont les cheveux blonds, le regard farouche, aiment les querelles, & sont démesurément vains. Plusieurs étrangers réunis, ne pourraient pas soutenir l’effort d’un seul d’entre eux avec qui ils prendraient querelle, s’il appelait à son secours sa femme qui l’emporte encore sur lui & par sa vigueur & par ses yeux hagards. Elle serait redoutable sur tout, si enflant son gosier & grinçant des dents elle s’apprêtait de ses bras forts & aussi blancs que la neige, à jouer des pieds et des poings pour en donner des coups aussi vigoureux que s’ils partaient d’une catapulte. Ils ont pour la plupart, la voix effrayante & menaçante, lors même qu’ils ne sont pas en colère. Ils font généralement cas de la propreté ; dans ces contrées (…) vous ne trouverez pas comme ailleurs un homme ou une femme, quelques pauvres qu’ils soient, qui ait des vêtements sales, ou déchirés.

A tout âge ils sont propres à la guerre ; le vieillard y va avec autant de courage que la jeunesse ; endurcis par le froid et le travail, ils méprisent tous les dangers (…).

Ils aiment le vin à la passion & tachent de l’imiter par diverses boissons. »

Cette merveilleuse description se passe de commentaires …

C’est à partir du 3ème siècle que commença la fondation des diocèses de la région. La christianisation venait du sud, de Nîmes, notamment avec St. Baudille qui, originaire d’Orléans, décida avec son épouse d’évangéliser la région de Nîmes. Il y fut décapité pour avoir interrompu un sacrifice païen. Son culte se répandit alors très au-delà de Nîmes : de nombreuses localités portent son nom et plus de 400 édifices religieux lui sont consacrés, en France et en Espagne notamment.

La christianisation est venue aussi du nord avec l’évêque St. Privat.

Un temps de prospérité.

A l’époque où il fut fondé, en 393, l’évêché de Nîmes comprenait tout le pays occupé par les Volques Arécomiques, c’est-à-dire qu’il embrassait, outre le département du Gard, une assez grande partie du département de l’Hérault. Vers la fin du IVe siècle, sous Honorius, Uzès (Ucecia), qui n’avait été jusqu’alors qu’un castrum (un camp romain) du pagus Nemausensis (pays nîmois), devint à son tour une civitas (une cité) et le chef-lieu du pagus Uceciensis ou Uticensis (pays uzétien).

Et à Olosanicis (St André d’Olérargues) que pouvait-il se passer …

Des voies de circulation apparaissent.

CE N’EST PAS LA « VIA DOMICIA » !

Ni une grande route pavée comme on imagine les voies romaines. Toutes n’étaient pas pavées, loin s’en faut. C’est resté encore aujourd’hui un chemin de terre, par endroit il est goudronné pour devenir un chemin vicinal. On qualifie aujourd’hui, cette voie, de Gallo-romaine mais cela a pu être un chemin de circulation gaulois à l’origine, ou plus vieux comme nous allons le voir.

Le tracé de cette voie subsiste donc comme je l’ai laissé entendre. Elle est encore de nos jours fréquentée quotidiennement. Les personnes qui l’utilisent, devraient avoir une petite pensée pour ceux qui l’ont tracée et parcourue depuis près de deux mille ans et sans doute plus.

Elle est caractérisée par un tracé relativement rectiligne et de visibilité dégagée. C’est une des caractéristiques de ces routes. Cela permettait de voir loin, ce qui évitait de faire une mauvaise rencontre par surprise au détour du chemin et, cela donnait le temps de trouver où se garer pour faciliter le croisement des chars et charrettes.

Cette voie servait à relier les contrées d’Uzès à la vallée du Rhône vers Pont St Esprit et le confluent avec l’Ardèche notamment.

Dans notre région, elle passe en dessous de l’actuel château des Opiats et du quartier de Malanieu, coupe la route D6 allant à St André d’Olérargues avant le col au niveau de Rieutord. A cet endroit une voie secondaire partait en direction de St André d’Olérargues, passait le col au-dessus de la route actuelle et redescendait vers le village. Ce chemin existe toujours. Et une voie descendait vers St Marcel de Careiret, celle-ci aussi existe toujours. La voie principale continuait en suivant la crête, légèrement en contre-bas, en direction du mas Sellier et de Christol (c’est l’actuelle route de Christol) pour rejoindre plus bas La Bégude ou elle se divisait en deux branches. Une voie allait vers Bagnols et l’autre vers Pont St Esprit via la Roque sur Cèze.

Il est à remarquer sur la photo ci-après, au croisement de la voie et de l’actuelle D26, que les deux tronçons qui sont de part et d’autre de la route goudronnée étaient parfaitement dans le prolongement l’un de l’autre, ainsi que le chemin de St Marcel à St André d’Olérargues. Le carrefour de ces voies de circulation ce trouvait au niveau des boites à lettres actuelles du Cidex 6540.

Figure 87-1. Photo Geoportail.

On peut voir, au pied de Malanieu l’alignement des pierres de bordure servant à retenir les parties remblayées. Voir photo ci-après.

Figure 87-2. Photo de l’auteur.

On peut observer aussi les ornières que les chars et charrettes ont creusées dans le rocher calcaire affleurant sur ce chemin et témoignant du trafic.

Figure 87-3. Photo de l’auteur.

UNE PRESENCE PREHISTORIQUE.

Cette route a la particularité d’être jalonnée de puits et de sources souvent pérennes comme par exemple celle qui alimente le lavoir après Rieutord ou celle captée vers les Opiats.

Il faut aussi remarquer que cet itinéraire a dû être fréquenté très tôt comme en attestent les restes d’une industrie lithique que l’on peut trouver dans certains endroits de son parcours. Tant sur le plateau entre Rieutord et Sellier qu’au niveau de La Bégude. Voir les photos sur ce site au Chapitre III

On y trouve, entre autres, quelques pièces étant identifiées du faciès Moustérien, c’est-à-dire d’une période datée entre 30 000 à 400 000 ans (il y a de la marge !) par rapport à aujourd’hui. A cette époque, c’est l’œuvre de l’Homme de Neandertal. D’autres pièces plus récentes attestent d’une présence humaine il y a environ 10 000 ans (Homme de Cro-Magnon).

ENSUITE IL Y EUT L’OCCUPATION GALLO-ROMAINE QUI A, SANS AUCUN DOUTE, SUCCEDE AUX CELTES

Ainsi le long de cette voie, dans la zone géographique étudiée, il y a de part et d’autre, de nombreux vestiges de constructions : fragments de tegula et d’imbrex, de vases, de dolium etc.

Figure 87-4. Photo de l’auteur.
On trouve d’Ouest en Est, sur la crête, un premier site avant le château des Opiats, puis un site après le château, un autre site en face après « les grottes » et un site à Rieutord, puis un site côté gauche sur la crête au niveau du lavoir, et encore un site à droite cette fois au niveau du carrefour allant au Sarsol. Enfin, il y a la tombe à incinération de la Bégude que j’ai aussi décrit au Chapitre III
Cela fait beaucoup de choses et cela prouve que cette région a été habitée très tôt.

LES FAMILLES SE DEVELOPPENT, S’INSTALLENT ET CONSTRUISENT.

Nous avons vu qu’il y a de nombreux restes de villas gallo-romaines sur les crêtes hautes du village et alentours. Les premiers romains qui se sont installés ici, sont arrivés sans doute avec leur famille, femmes enfants, amis et esclaves, ils se sont intégrés pacifiquement (ou par la force…) aux quelques populations gauloises locales. Puis profitant de ces temps de paix les familles se sont agrandies. Ils ont défriché et mis en valeur les terres et au fil des décennies, ils ont multiplié leurs implantations et leurs constructions.

Ces différentes observations et découvertes permettent de faire l’estimation des dates auxquelles des populations ont occupé ces terres.

Au 5ème Et 6eme Siècle:

 

Début des invasions et des massacres.

Bientôt la féconde Narbonnaise attira les hordes des peuples nomades qui inondèrent l’empire.
Les invasions barbares, arrêtées depuis Marius par la puissance romaine, recommencèrent en 407. Ainsi, Crocus, roi des Vandales, dévasta la Narbonnaise et renversa plusieurs monuments romains. Il fut vaincu par l’empereur Marius II.

Invasions des Wisigoths.

Aux Vandales succédèrent les Wisigoths (qui signifie littéralement : Goths Sages !) qui ravagèrent Nîmes et la région, et finirent par en rester possesseurs. Après de longues convulsions et des désastres épouvantables, un traité, passé en 475 entre Euric, roi des Visigoths, et l’empereur Nepos, légitima leur conquête.

Les Wisigoths sont chrétiens mais d’un courant de pensée des débuts du christianisme, dû à Arius (256-336), théologien d’Alexandrie en Egypte.
Ils installent leurs prêtres Ariens qui sont des hérétiques vis à vis du concile de Nicée de 325. L’arianisme est une branche du christianisme, dont le point central porte sur la nature de la trinité chrétienne et les positions respectives des concepts de « Dieu le père et son fils Jésus».
L’arianisme défend la position selon laquelle la divinité du Très-Haut est supérieure à celle de son fils fait homme.
Les Wisigoths ont gardé les structures romaines en place, se servant de la monnaie, de l’écriture, de l’architecture et d’autres acquis romains.

Figure 88. Publié par Historia Meridionalis 2012

Le pouvoir Temporel

Le successeur d’Alaric I, roi des Wisigoths qui a pris et pillé Rome en 410, s’approprie le Languedoc aux dépens des romains en 412 ap. JC. En 418, un de ses descendants passe un traité avec Rome qui établit les Wisigoths en Gaule avec mission de protéger la frontière Sud. L’ancienne Narbonnaise devient la Septimanie.

Comme nous allons le voir dans la suite, être Roi des Wisigoths est un métier à hauts risques…

Athaulf, roi des Wisigoths de 410 à septembre 415, assassiné. Il s’installe à Barcelone et épouse Aelia Galla Placidia, fille de l’empereur Théodose I
Sigeric, roi des Wisigoths en septembre 415 (seulement…), assassiné.
Wallia, roi des Wisigoths de sept 415 à 418. Grâce au « foedus »(pacte) passé avec Rome, il devient officiellement le premier roi Wisigoth de Septimanie
Théodoric I, roi des Wisigoths de 418 au 20 juin 451, tué lors de la bataille des Champs Catalauniques contre les Huns d’Attila.
Thorismund, roi des Wisigoths en 451-453, assassiné par son frère Théodoric.
Théodoric II, né en 428, roi des Wisigoths de 453 à 466, assassiné par son frère Euric.
Euric Le Grand, roi des Wisigoths, 466 au 28 décembre 484. C’est l’époque de la plus grande extension du royaume Wisigoth de Toulouse
Alaric II, roi des Wisigoths du 28 décembre 484 à 507, tué lors de la bataille de Vouillé contre le roi des Francs, Clovis. Toute la partie nord du Royaume est occupée par les Francs et la capitale du Royaume est transférée de Toulouse à Narbonne. La Province Wisigothique au nord des Pyrénées devient la « Gallia ». Mais trop loin du pouvoir central, elle voit son importance décliner.
Il a donné son nom à la montagne d’Alaric dans l’Aude.
Geisalic, roi des Wisigoths, 507-511, abdique.
Amalaric, né en 502, roi des Wisigoths, 511-531, assassiné. Épouse Clotilde, fille de Clovis
Theudis. Il s’agit d’un Ostrogoth mais il devient roi des Wisigoths, 531-548, assassiné.
Theudegisèle, roi des Wisigoths, 548-549, assassiné.
Agila I, roi des Wisigoths, 549-554, assassiné.
Athanagild I, roi des Wisigoths, 554-567, assassiné. C’est le père de la célèbre Brunehaut, reine d’Austrasie, exécutée en 613. La capitale du Royaume est transférée de Narbonne à Mérida.
Liuva I, roi des Wisigoths en 567, puis co-roi 567-573.
Léovigild, co-roi des Wisigoths, 567-586
Saint Hermenegild, co-roi des Wisigoths 573-584 qui abdique, martyrisé le 13 avril 586
Recared I, co-roi des Wisigoths 573-586, puis roi des Wisigoths 586-601. Il se convertit au catholicisme en 587 (tous ses prédécesseurs étaient ariens).

Le pouvoir spirituel régional

Uzès, en latin, Ucecia, ville épiscopale, est alors dépendante de Narbonne, et de la province de la première Narbonnaise. L’Eglise d’Uzès, vers le milieu du VI° siècle, fut détachée de la métropole de Bourges, à laquelle on l’avait soumise, en l’ôtant à celle de Narbonne avec Toulouse, et les autres conquêtes de Clovis sur les Goths ; elle fut alors incorporée à la province ecclésiastique d’Arles.
Le premier évêque est Constantin (419-462) puis Probatius en 506, puis Roricius (533-538) puis Saint Firmin fut fait évêque d’Uzès en l’an 538, à l’âge de vingt-deux ans, après la mort de Roricus, qu’on fait passer pour son oncle. Il mourut en 553. Saint Ferréol succéda à saint Firmin, son oncle, en 553. Il mourut le quatrième jour de janvier de l’an 581, après vingt-huit ans d’épiscopat. Puis ce fut Marcellus en 581.
L’évêque qu’on y voit dès l’an 4oo obtint du Pape Hilaire une espèce de droit, comme de métropole, au préjudice de Narbonne.
La province Narbonnaise revint ensuite à l’Espagne, tandis que cet évêché demeura attaché à ce qui deviendra la France.

Le christianisme s’étend.

On a fréquemment avancé, que la plupart des chapelles primitives sont des temples païens, que l’on aurait adaptés à des usages religieux nouveaux. Cette opinion est, en réalité, difficile à soutenir. Les temples païens et les églises chrétiennes sont d’un caractère trop différent pour que les unes n’aient été que la continuation des autres. Le temple était uniquement la demeure du dieu, par conséquent il n’avait que des dimensions très réduites. L’église, au contraire, est le lieu de réunion et de prière des fidèles et doit être assez grande pour les contenir tous.
Cette première raison suffirait pour démontrer l’impossibilité de transformer aussi rapidement les édicules païens en chapelles chrétiennes.
Mais il y a mieux : les évêques missionnaires et les premiers chrétiens avaient une haine fanatique si profonde pour ce qui rappelait l’ancienne religion, qu’ils en détruisaient systématiquement les temples. Rien ne les arrêta, ni les édits des empereurs mérovingiens, qui, comme Honorius, cherchaient à sauver les plus beaux édifices en leur donnant le caractère de monuments publics, ni la crainte des représailles des adeptes des anciennes religions, ni le respect des œuvres d’art : ils brisèrent les statues, brûlèrent les sanctuaires et en dispersèrent les débris, par exemple St Martin devenu évêque fut une grand destructeur de temples et lieux païens. C’est qu’il fallait avant tout supprimer l’idolâtrie et couper le mal dans sa racine.

Après avoir ruiné les anciens édifices, ils reconstruisirent, bien souvent avec les mêmes matériaux, mais selon une implantation toute différente, et ils élevèrent sur le sol autrefois consacré aux divinités païennes des autels et des églises dédiés à ce qu’ils considéraient comme le vrai Dieu. Ainsi de multiples oratoires prirent la place d’édicules antiques ; mais, remarquons-le, il y eut destruction avant réédification.

L’arrivée des Francs

A partir du 5ème siècle, Francs et Wisigoths se disputent le Sud, alors que les Huns venus du cœur de l’Asie repoussent les autres peuples au nord. Les Francs se présentent tels des barbares païens et violents alors que les Wisigoths étaient des chrétiens ariens comme nous l’avons dit.
La dynastie mérovingienne est issue de l’aristocratie franque, une entité politique et culturelle qui traverse certains peuples germaniques.
Ceux-ci, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de notre ère, ont progressivement intégré le nord-est de l’Empire romain. Depuis les premières années de l’empire, des groupes migrants plus ou moins homogènes n’ont eu de cesse de se déplacer d’Est en Ouest, poussés par d’autres migrants venus de l’est, et attirés par la stabilité de la Pax Romana en Gaule.
Les premiers ont été intégrés à l’empire, soit dans l’armée soit au titre de colons, les suivants ont profité de la débâcle progressive de l’autorité romaine dans ces régions. À la fin de l’Empire, soit au cours de la seconde moitié du Ve siècle, certaines familles franques avaient acquis richesse et autorité par la loi ou par la force et formaient l’aristocratie qui verra naître en son sein la dynastie mérovingienne puis plus tard carolingienne.

Comment parlait-on au V et VI° Siècle.

Voici l’extrait d’un texte de Saint Sidoine Apollinaire (en latin Caius Sollius Apollinaris Sidonius) c’est un homme politique, évêque et écrivain gallo-romain, né à Lyon en 430 et mort à Clermont en 486. Évêque d’Auvergne en 471, il est devenu un saint de l’Église catholique, fêté le 21 août. Il est également connu pour son œuvre littéraire : Lettres et Panégyriques (c’est au sens strict un discours public à la louange d’un personnage illustre, d’une nation, ou d’une chose)

TEXTE ORIGINAL
PANEGYRICI EDITIO AD PETRUM

Quid faceret lætas segetes, quod tempus amandum
Messibus, et gregibus, vitibus, atque apibus,
Ad Mecœnatis quondam sunt edita nomen:
Hinc, Maro, post audes arma virumque loqui.
At mihi Petrus erit Mecœnas temporis hujus,
Nam famæ pelagus sidere curro suo.
Si probat, emittit; si damnat, carmina celat,
Nec nos ronchisono rhinocerote notat.
I, liber, hic nostrum tutatur, crede, pudorem.
Hoc censore etiam displicuisse placet.

TRADUCTION
DÉDICACE DU PANÉGYRIQUE A PÉTRUS.

Ce qui peut rendre les campagnes riantes, quel est le temps propice aux moissons et aux troupeaux, à la vigne et aux abeilles, Virgile autrefois enseignait tout cela, sous les auspices de Mécène, avant de célébrer le pieux Enée et ses combats. Pétrus deviendra pour moi le Mécène de ce temps; il sera l’étoile qui me guidera sur l’océan de la renommée. S’il approuve un ouvrage, il le produit au grand jour; s’il le condamne, il le tient caché, et ne l’accable pas du poids de sa critique. Va, mon livre; Pétrus, n’en doute pas, encourage notre timidité, et j’aurai même une sorte de satisfaction à ne pas réussir auprès d’un pareil censeur.

Au 7ème et 8eme siècle:

LE POUVOIR TEMPOREL.

La Septimanie est placée sous l’autorité des Wisigoths. Les souverains se succèdent à un rythme impressionnant ainsi que les assassinats, mais malgré tout, un peu moins que les prédécesseurs !

Liuva II, roi en 601-603 assassiné.

Wittéric, roi des Wisigoths, 603-610, assassiné.

Gundemar, roi des Wisigoths, 610-612.

Sisebut, roi des Wisigoths, 612-621, empoisonné.

Recared II, roi des Wisigoths en 621.

Suintilla, roi des Wisigoths 621-631, déposé.

Sisenand, roi des Wisigoths, 631-636.

Chintila,roi des Wisigoths, 636-639.

Tulca, roi des Wisigoths, 639-642 abdique.

Chindasvind, roi des Wisigoths, 642-649, puis co-roi des Wisigoths, 649-653.

Reasvind, co-roi des Wisigoths 649-653, puis roi des Wisigoths, 653-672.

Wamba, roi des Wisigoths, 672-680, abdique.

Ervige, roi des Wisigoths, 680-687.

Egica, roi des Wisigoths, 687-698, puis devient co-roi des Wisigoths de 698 à 701. Il accorde à la Septimanie un statut d’exception permettant de déroger aux lois anti-juives extrêmement rigoureuses en vigueur dans le reste du Royaume.

Wittiza, co roi des Wisigoths, 698-701, puis roi des Wisigoths, 701-710.

Agila II usurpateur 710-713. Il a la malencontreuse idée d’appeler les Musulmans du Maroc pour l’aider dans sa lutte pour le Pouvoir, contre le Roi élu.

Roderic ou Rodrique, duc de Bétique, puis roi des Wisigoths, 710-711, tué. En perdant la bataille de Guadalete, il livre bien involontairement l’Espagne aux musulmans qui y resteront presque 8 siècles.

En 714, les musulmans finissent de conquérir la péninsure Ibérique, provoquant la fin du Royaume Wisigoth et la fuite des prétendants au trône vers les Asturies et en Septimanie. Pendant cette période troublée de nombreux prétendants se présentent dont :

Théodemir, prétendant 711-741 après l’invasion musulmane appelé par les musulmans, Tudmir Ben-Godo : « Théodemir fils de Goth ».

Ardo ; il règne en Septimanie de 719 à 726 et frappe monnaie.

Athanagilde II, prétendant en 741-743, dernier prétendant au trône wisigothique ; sa mort marque la fin de tout espoir d’un retour à la monarchie hispano-wisigothique.

Les Francs règnent alors sur la Septimanie c’est la période Carolingienne (759 à 877)

Pépin le Bref annexe la Septimanie en 759, crée le « Marquisat de Gothie » et nomme « Comte » le dernier roi Wisigoth Milon. Il est roi des Francs jusqu’en 768, année de sa mort.

Milon, roi des Wisigoths, puis Comte de Septimanie de 759 à 790.

LE POUVOIR SPIRITUEL REGIONAL

Ces siècles connurent une pénurie d’évêques à Uzès. On trouve traces de Aurélien en 659, de Nummolus en 661, puis plus rien pendant plus de cent ans et enfin de Sigibert en 773 et de Arimundus en 791 sans pouvoir dire combien de temps ils ont siégé.

Ceci démontre bien les turbulences que connurent ces siècles comme nous allons le voir.

Conquise par les Wisigoths, la Septimanie fut ensuite occupée par les Sarrasins, qui furent sollicités et encouragés par les barons locaux pour les délivrer de la rudesse de l’administration carolingienne.

Puis au 2ème et 3ème siècle av. JC, les Romains conquièrent la région. Au 4ème siècle les Wisigoths prennent possession à leur tour de la contrée. A partir du 5ème siècle, Francs et Wisigoths se disputent le Sud, alors que les Huns venus du cœur de l’Asie repoussent les autres peuples au nord. Puis c’est le tour des Francs qui se présentent tels des barbares païens et violents alors que les Wisigoths sont des chrétiens ariens. Les Wisigoths ont gardé les structures Romaines en place, se servant de la monnaie, de l’écriture, de l’architecture et d’autres acquis romains. A partir de 7ème siècle jusqu’au 10ème, ce sont les incursions musulmanes. Les Sarrasins remontent d’Espagne et envahissent le pays

Figure 89. Academic dictionaries and encyclopedias. http://de.academic.ru/
Cette présence nord-africaine de courte durée avait été très favorablement accueillie par les populations, qui avaient pu bénéficier en peu de temps des avancées techniques musulmanes notamment en matière d’irrigation (implantation de norias) et de construction. Mais … le printemps arabe n’a pas duré.
Les Sarrasins étaient revenus d’Espagne, dont ils s’étaient rendu les maîtres, et étaient sortis du Royaume de Fez. Nîmes défendit pendant quelque temps le passage de la rivière du Vidourle à ces nouveaux conquérants Maures, mais ces derniers l’ayant traversée, ils s’établirent à Gallargues, à trois lieues de Nîmes. L’histoire nous apprend qu’en 725, après avoir occupé Narbonne et pris Carcassonne, les Arabes soumirent la ville de Nîmes, chassèrent, les moines de Psalmodi, de Saint-Gilles, de Saint-Baudile, et s’avancèrent jusqu’à Autun et conservèrent leurs conquêtes du Languedoc jusqu’en l’an 736, environ vingt années.

Que devient le christianisme ?

Pendant ces temps-là, l’exercice de la religion cessa dans Nîmes et sa région, les églises furent détruites ou changées en Mosquées, et la religion Chrétienne interdite.
En l’an 724, les habitants de Nîmes, tous Chrétiens, reçurent la Religion de Mahomet.
C’est la dispersion des moines et la mise en fuite du clergé dépourvu d’évêques. Il n’y a plus eu d’évêques à Uzes et à Nîmes pendant pratiquement 120 ans de 660 à 780 environ.

Et les malheurs recommencent.

En 731, Charles Martel fit plusieurs dégâts à Nîmes, menant la guerre contre le Comte de Bourgogne à qui appartenaient Marseille, Arles, et toute la Provence, de même que Nîmes, Montpellier, Béziers, et le Roussillon, et ruina la ville de Nîmes.
Trois ans après, Charles Martel repris les armes de nouveau, retourna en Languedoc, et poursuivit jusqu’à Narbonne Antymus roi Sarrasin, qu’il vainquit. Il soumit à son obéissance Arles, Avignon, Nîmes, Montpellier, Agde, et Béziers, brûlant et rasant toutes ces villes, ce qui causa la plus grande désolation. Tout cela arriva après que Charles Martel eut délivré la Guyenne des Sarrasins, par la célèbre bataille de Poitiers. Il assiégea les Sarrasins la même année dans Nîmes en l’an 736, il brûla la ville, et renversa toutes les maisons que le feu n’avait pu consumer, les Temples, les Basiliques, les Tours, les Murs, les Aqueducs, les Ponts, etc… furent tous renversés de fond en comble. Il ne nous en reste que ceux que nous connaissons à ce jour.

Alors le Mahométisme s’acheva avec la destruction entière de la ville. Seul l’Amphithéâtre résista aux flammes, il ne fut brûlé qu’en partie, et les bas sièges renversés. Il fut quelque temps après le refuge des Visigoths, qui revinrent des Alpes et se logèrent dans les caves des Arènes, et rétablissant le Christianisme en l’an 743.

L’étendue des dégâts.

Si les églises, élevées avec un zèle des plus actifs par les évêques et les fidèles pendant la période mérovingienne, résistèrent aux guerres continuelles des Visigoths, des Burgondes et des Francs, elles durent éprouver de sérieux dommages lorsque les Sarrasins fondirent sur le pays. Ce sont surtout les expéditions des Arabes dans la première moitié du VIIIe siècle et la lutte de Charles-Martel contre eux, qui ont laissé des souvenirs vivaces dans les traditions: ainsi une grande bataille, où 10.000 Sarrasins auraient trouvé la mort, se serait livrée entre Pujaut, Saze et Rochefort.

Charles-Martel, en souvenir de ses victoires, aurait fondé des églises et chapelles à Meynes, Montfrin, Rochefort, Sernhac. Plus près de Bagnols, les Sarrazins auraient campé dans les environs de Tresques sur le mont Sarzin ; ils auraient détruit Saint-André près Connaux, et ruiné le monastère de Saint-Pierre-de-Castres. D’ailleurs, ne retrouve-t-on pas partout, dans le pays, des murs sarrasins, des cimetières sarrasins, des briques et tuiles sarrasines ? Les patronymes comme Maurin, Morin, Morry, Moreau, Maurel, Morel attestent de l’empreinte laissée par les Maures.

Les soldats de Charles-Martel furent peut-être encore plus destructeurs que les Sarrasins, et on les vit avec terreur semer les ruines sur leur passage. On sait que, par exemple, les arènes de Nîmes furent incendiées par eux.
Quand on voit les exactions que commettent les armées modernes qui sont censées être disciplinées et encadrées on imagine les débordements de ces « routiers » qui s’approvisionnaient sur le dos des populations locales et qui n’étaient souvent payés que par les pillages qu’ils faisaient.

 

Figure 90. Source http://soutien67.free.fr/

La seconde moitié du VIIIe siècle fut moins dure pour les populations riveraines du Rhône ; aussi ont-elles conservé en vénération le nom de Charlemagne et lui ont-elles attribué la création d’une foule d’églises en Languedoc et en Provence. Charlemagne aurait élevé celle de Saint-Pierre à Domazan pour rappeler les mêmes faits. C’était en dédommagement des désastres apportés par les Sarrasins à Saint-André d’Olérargues, à Saint-Doryte sur le territoire de Bonnevaux, à Saint-Gilles, à Psalmodi, à Saint- Hilaire-d’Ozilhan, à Saint-Martin-de-Ferléry sur le territoire de Remoulins, à Saint-Pierre-de-Fournès, au Vigan, à Tornac, Valabrix, Villeneuve-lez-Avignon .

Notons ici que dans les années 700 à 800 apparaissent les premiers mots occitans dans des écrits en latin.

Au 9ème siècle:

Le pouvoir temporel au cours du siècle.

Charlemagne, roi des Francs en 768, puis empereur d’occident de 800 jusqu’à sa mort en janvier 814
Louis le Débonnaire, empereur, fils de Charlemagne et d’Hildegarde, nommé roi d’Aquitain à sa naissance, succéda à son père le 28 janvier 814. Il mourut le 20 juin 840.
Charles le Chauve, empereur, fils de Louis le Débonnaire et de Judith, succéda à son père comme roi de France le 20 juin 840, et mourut le 6 octobre 877.
Louis Le Bègue, fils de Charles le Chauve, déjà roi d’Aquitaine depuis 867, succéda le 6 octobre 877 à son père; il mourut le 10 avril 879.
Louis III et Carloman, fils de Louis II le Bègue, succédèrent à leur père dans le mois d’avril 879. En 880, par un traité fait entre eux, Louis III obtint les pays qui dépendaient de la Neustrie et de l’ancien royaume d’Austrasie en deçà de la Meuse. Dans ce traité, Carloman avait obtenu le royaume de Bourgogne et d’Aquitaine, Toulouse, la Septimanie et une partie de la Lorraine. Louis III mourut le 5 août 882. Son frère Carloman lui succéda et mourut à son tour le 6 décembre 884.
Charles le Gros, empereur, petit-fils de Louis le Débonnaire par Louis le Germanique, était déjà roi d’Italie depuis 880, empereur depuis le mois de janvier 881, et roi de Saxe, lorsqu’il fut nommé roi de France, après la mort de Carloman, et fut déposé le 11 novembre 887, il mourut le 12 janvier 888.
Eudes, comte de Paris, fils de Robert le Fort, fut élu roi de France par les principaux seigneurs après la déposition de Charles le Gros. Il y a deux périodes à considérer dans son règne, la première où il est seul roi, la seconde où il est obligé de partager la monarchie avec Charles le Simple, fils posthume de Louis le Bègue, vers le milieu de l’an 896. Eudes reçut alors en partage les pays situés au midi de la Seine. Il mourut le 3 janvier 898.

Le pouvoir spirituel régional.

Pendant ce siècle, cinq évêques, siégèrent à Uzès : Amélius I (823-835), Eliphas en 842, Wilafrid (858-879), Asaël (879-886) et Amélius II (886-915).

Un petit temps de paix.

Au début du 9ème siècle, la région et les Cévennes sont durablement intégrées aux possessions franques.
Il est certain que, grâce à la paix ramenée par l’autorité de Charlemagne et grâce à sa protection, on assista à une véritable renaissance artistique, qui se traduisit par des réédifications ou des fondations de monuments religieux. L’église de Caseneuve, à Goudargues, qui fut bâtie vers la fin de son règne, est le type des chapelles et églises appartenant à cette époque : les matériaux, d’un caractère particulier, qui ont servi à l’élever, sont, par leur présence à d’autres endroits, des indices très sûrs de la construction de nombreux édifices à peu près contemporains, Boussargues, Colombiers, Maransan, Saint-Victor-de-Castel, pour ne citer que quelques exemples, remontent à cette date pour certaines de leurs parties.
Peut-être le St André d’Olérargues de l’époque, a-t-il bénéficié aussi de cette construction ou reconstruction car nous reparlerons de l’église de St André au X° siècle pour une donation. S’il y a eu donation, il faut d’une part que l’église ait été construite à un certain moment et celui-ci semble propice et d’autre part qu’elle soit suffisamment prospère notamment en biens fonciers pour être une donation digne d’intérêt.
Cela ne signifie pas que l’église actuelle date de cette période. Nous verrons plus loin toutes les occasions qu’elle a eu d’être détruite depuis cette époque. Cela ne signifie pas non plus que l’église originelle était au même emplacement que celle d’aujourd’hui. Il faudrait faire des fouilles au niveau des fondations pour avoir une certitude.

Mais les malheurs reviennent

Malheureusement cette tranquillité s’évanouit bientôt dans les convulsions de l’empire de Charlemagne après sa mort, et les Sarrasins ne furent plus les seuls à la troubler. Favorisées par les querelles entre les rois et les principicules (principautés) qui se disputaient la possession de la Provence et du Bas-Languedoc, les invasions des Normands, des Hongrois et des Arabes renouvelèrent les maux dont avait souffert le pays. On sait que les ennemis du nom « chrétien » dévastèrent, en 858 et 859, toute la Septimanie et en particulier les rives du Rhône, et que les environs de Nîmes et d’Arles furent cruellement éprouvés. Les Hongrois, qui depuis 899 avaient pris l’habitude de descendre périodiquement en Italie, passèrent les Alpes en 924, puis le Rhône, pour se jeter sur la Gothie (Aude, Hérault et Gard actuels) et ruiner complètement le diocèse de Nîmes, d’Uzès et les pays voisins ; ils réduisirent le pays à une telle solitude, qu’en Septimanie il ne restait plus un seul prêtre pour le service divin. Partout où ils passaient, ils se signalaient par une férocité qui dépassait tout ce qu’on pouvait imaginer.

Pendant ce temps les pirates Maures désolaient les pays situés sur le bord de la mer Méditerranée et par le Rhône poussaient leurs dévastations jusque dans l’intérieur des terres. Ces remontées, qui commencèrent en 842, se renouvelèrent fréquemment et devinrent même périodiques lorsque vers la fin du IXe siècle, les Sarrasins se fixèrent au Freinet dans le massif des Maures. Désormais, tous les documents qui parleront d’eux pendant un siècle (ils ne furent expulsés du Freinet et de la Provence qu’en 983) signaleront les calamités qui s’abattaient sur le pays : il n’y est question que d’habitants égorgés, d’abbayes détruites, d’églises ruinées, de campagnes désertées, etc. Que l’on joigne à toutes ces causes de désastre la violence exercée par ceux qui détenaient tant soit peu d’autorité et l’appropriation des biens ecclésiastiques par les laïques. Cette usurpation des biens d’église par des laïques puissants, aux IX° et X° siècles, était courante. Pour la région d’Uzès par exemple, il est bon d’en montrer la preuve : on la trouve dans un acte écrit du roi Louis de Provence (882-933) en faveur d’Amelius II (épiscopat de 886 à 915), évêque d’Uzès, à qui il rendit, en 896, les possessions qu’il s’était cupidement appropriées. On verra plus loin que, même à une époque avancée du XI° siècle, c’est-à-dire en 1055, un laïque détenait encore les biens du monastère de Goudargues.

Comment parlait-on au IX° Siècle.

Voici un texte de Ermold le Noir (en latin Ermoldus Nigellus), né vers 790, mort après 838, c’est un ecclésiastique de l’époque carolingienne, clerc de la maison de Pépin Ier d’Aquitaine, surtout connu comme auteur d’un poème en l’honneur de Louis le Pieux. A remarquer que les vers commencent et finissent par la même lettre !

TEXTE ORIGINAL

Editor, aetherea splendes qui Patris in arcE
Regnator mundi, fautorque, Redemptor, et auctoR
Militibus dignis reseras qui regna poloruM
Olim conclusos culpa parientis AvernO
Luminis aeterni revehis qui Christe tribunaL
David psalmianus praesaga carminis illuD
Voce prius modulans, dudum miranda relatU
Sacra futurorum qui prompsit dogmat vateS
Confer rusticulo, quo possim Caesaris in hoC
Eximii exiguo modulanter poscito ritE
Carmine gesta loqui. Nymphas non deprecor istuC
Insani quondam ut prisci fecere peritI
Nec rogo Pierides, nec Phoebi tramite limeN
Ingrediar capturus opem, nec Apollinis almI
Talia cum facerem , quos vana peritia lusiT
Horridus et teter depressit corda VehemotH
Limina siderei potius peto luminis, ut SoL
Verus justitiae dignetur dona precatU
Dedere: namque mihi non flagito versibus hoc, quoD
Omnia gestorum percurram pectine parvO
In quibus et magni possunt cessare magistrI
Caesaream flectant aciem, sed cantibus huc huC
Incipiam celebrare. Fave modo, Christe, precantI
Carmina, me exsilio pro quis nunc principis ab hoC
Auxilium miserando levet, qui celsus in aulA
Erigit abjectos, parcit peccantibus, atquE
Spargit in immensum clari vice lumina soliS
Alta regis Christi princeps qui maxime sceptrA
Rex Ludovice pie, et pietatis munere CaesaR
Insignis merit, praeclarus dogmate ChristI
Suscipe gratanter, profert quae dona NigelluS
Ausubus acta tamen qui tangere carmine vestrA
Regis ob aeterni vestro qui pectore sempeR
Mansit amor. Caesar famulum relevato cadenteM
Altitonans Christus vos quo sublimet in aethrA

TRADUCTION DE 1824

Créateur, maître et moteur de ce monde que tu protèges et as racheté, toi qui brilles dans la demeure éthérée de ton père, toi qui ouvres, à ceux qui combattent dignement pour ton nom, le royaume des cieux autrefois fermé par la faute de celle qui est vouée aux douleurs de l’enfantement ! toi, ô Christ ! qui as reconquis sur l’enfer le trône d’éternelle lumière, verse sur moi, homme simple et grossier, ce don des vers qu’eut jadis David, le chantre des psaumes, dont la voix, instruite à prédire l’avenir, dévoila, il y a tant de siècles, par ses accents prophétiques, les dogmes sacrés du temps futur si admirables à raconter, afin que je puisse, dans ce petit poème, célébrer les hauts faits du grand César avec quelque harmonie et le ton qu’exige un tel sujet! Je n’invoquerai point ici les nymphes, comme le faisaient autrefois dans leur folie les doctes de l’antiquité; je ne supplierai pas les muses; je n’irai pas, gravissant un rude sentier, fouler le seuil du temple de Phébus pour dérober son secours ou celui du puissant Apollon. Quand les anciens, jouets d’une vaine habileté, se livraient à de telles illusions, l’horrible et noir démon pesait sur leurs cœurs; je m’élèverai plutôt vers les demeures des astres lumineux pour que le vrai soleil de justice daigne accorder ses dons à mon humble prière. Non, je ne me flatte pas de parcourir dans mes vers, avec mon faible archet, le vaste cercle de ces hauts faits dont le récit pourrait fatiguer les plus grands maîtres, ni d’être assez heureux pour attirer les regards de César; mais enfin je tenterai d’en illustrer çà et là quelques-uns par mes chants. O Christ ! prête donc une oreille favorable à mes supplications ! fais que mes vers m’obtiennent la fin de mon misérable exil des bontés secourables de ce prince qui, du haut de son trône, élève les humbles, épargne les pécheurs, et tenant la place du brillant soleil, répand la lumière dans l’immensité ! Et toi, monarque qui tiens en tes puissantes mains le sceptre sublime du Christ, pieux roi Louis, César si fameux par tes mérites et ta piété, toi en qui la foi du Christ jette un si vif éclat, reçois avec bienveillance l’offrande que te présente Le Noir qui a tant d’audace que d’effleurer ton histoire dans ses vers ! je t’en conjure par cet amour qui toujours a rempli ton cœur pour le roi de l’éternité. César, puisse le Christ qui tonne du haut des cieux te récompenser d’avoir relevé ton serviteur dans sa chute, et t’assurer une place au sommet de la voûte éthérée!

Au 10ème siècle:

Pour la première fois, c’est au cours de ce siècle que la petite histoire de St André d’Olérargues rencontre la Grande Histoire

LE POUVOIR TEMPOREL.

Pouvoir temporel au cours du siècle.

L’ancien empire de Charlemagne est divisé en nombreux comtés, duchés ou marquisats.

La région est appelée Septimanie ou Gothie. Le terme Septimanie perdure jusqu’au XIIIe siècle.
Au Xe siècle, le lien assez lâche entre la Gothie et le Comté de Toulouse va se recréer sous l’autorité de la « dynastie Raimondine ».
En 918, il semble que les rivalités entre Aquitains et Toulousains aient tourné en faveur d’Eudes, Comte de Toulouse, puissant monarque pratiquement indépendant des souverains Capétiens du Nord.
Le Marquisat de Gothie, ou duché de Septimanie est rattaché au Comté de Toulouse. Il le restera jusqu’en 1271, date du rattachement définitif à la couronne de France.

Le 1er Comte de Toulouse régnant sur la Septimanie est donc Eudes, qui meurt la même année.

Raymond II, comte de Toulouse, 918-924.
Raymond-Pons I, comte de Toulouse et duc de Septimanie, 924-950
Raymond III, comte de Toulouse jusqu’en 978, tué.

On remarquera sur la carte ci-après les différents comtés, marquisats et autres duchés en comparaison des domaines royaux restant! Il est loin l’empire de Charlemagne …

Figure 91. Source http://soutien67.free.fr/

Le pouvoir spirituel régional.

Pendant ce siècle, deux évêques, siégèrent à Uzès : Amélius II (886-915) et Rostaing en 945. Après il semblerait qu’il n’y eut point d’évêque jusqu’en 994, c’est-à-dire pendant cinquante ans !

Dans quel état se trouva la région à la fin de ce siècle ?

Ainsi, dès le commencement du Xe siècle, les régions du Languedoc et de la Provence voisines du Rhône étaient dans une situation lamentable.

On en a une preuve écrite, non équivoque dans le testament de Foucher, évêque d’Avignon, qui, en 916, déplorait les malheurs de son église, « quam barbarica utique vastatio et depraedatio maxima exparte mundialibus attriverat copiis. »
C’est-à-dire « à tel point les pillages et les ravages exercés notamment par les barbares avaient pratiquement fait disparaître les richesses du monde civilisé».

Les religieux de Saint-Baudile près Nimes, de Saint-Gilles et de Psalmodi avaient été dispersés par les premières invasions des Sarrasins ; les moines de Saint- Victor fuyaient devant celles du X° siècle, etc.

Tout essor avait donc été arrêté, et ce n’est certes pas par des temps aussi calamiteux qu’il fallait attendre des grandes manifestations d’art et d’architecture.

Tout changea aux alentours de l’an mil, non pas à cause des craintes plus ou moins imaginaires de la fin du monde, mais par suite de la sécurité ramenée dans un pays que ne désolèrent plus les invasions. Les guerres de seigneurs à seigneurs n’avaient pas cessé, sans doute, mais elles ne revêtaient plus ce caractère de sauvagerie qui avait rendu si terrible l’apparition des Sarrasins et des Hongrois. Elles perdirent d’ailleurs beaucoup de leur intensité, lorsque les évêques, à la suite des conciles successifs de Charroux (989), Narbonne (990), Anse (994), Verdun-sur-Saône (1016), Elne (1027), Bourges (1038), Arles (1041), Saint-Gilles (1042), Narbonne (1054), etc. eurent organisé des ligues pour la paix et fait accepter partout la « Paix de Dieu » : les églises particulièrement furent respectées et seules celles qui avaient été transformées, en forteresses furent exposées à de mauvais traitements.

St André d’Olérargues apparait pour la première fois dans les textes.

Nous trouvons dans le Mémoire de l’Académie de Vaucluse de 1901 une publication de L-H LABANDE traitant, à la page 219, d’une liste de donation à l’Abbaye de Cluny. Ainsi peut-on y lire que l’archevêque d’Uzès cède à la toute jeune abbaye des bénédictins de Cluny, des biens de l’évêché d’Uzès situés au nord de l’Uzège ce sont:
– En 946 l’église située sur l’actuelle commune de Saint André d’Olérargues et un manse(1) in villa Sevanis qui était aussi sur le territoire de Saint André d’Olérargues, ce manse légué était traversé par le ruisseau du Merlançon (quartier actuel de Clapeyret). Chartes de l’abbaye de Cluny, n° 693
– Vers 951 ou 952, des immeubles à Aubarne et Vic sur le territoire de Sainte –Anastasie.
– Enfin, vers l’an mil, le château de Piolenc et son prieuré auquel fut annexé celui de St Etienne des Sorts.
– En 1065, on lui donna même le monastère de Goudargues, mais il ne semble pas en avoir joui longtemps. Charte de Cluny, n° 3404.

(1) Un manse est à l’origine une tenure (portion de seigneurie) correspondant à une parcelle agricole. Les manses étaient occupés par des rustici ou coloni (paysans ou colons) qui devaient au seigneur (dans ce cas c’est le prieur de l’abbaye qui est le seigneur) une partie de leur récolte ou un service.
Quand un domaine est ainsi cédé, les paysans attachés à la terre sont donnés avec.
Dans le sud de la France, manse est devenu mas.

Une communauté s’établit à Pont-Saint-Esprit en 952. Ces donations sont sous l’autorité du monastère clunisien de Saint-Saturnin-du-Port (Pont St Esprit). Les prieurs, seigneurs du lieu, construisent l’église Saint-Pierre, rebâtissent Saint-Saturnin et favorisent la construction du pont du Saint-Esprit.

Le christianisme se relève.

En dehors des Clunisiens, les Bénédictins de la Chaise-Dieu, d’Aniane, de Saint-Victor de Marseille, de Saint-Gilles et de Saint-André de Villeneuve, détenaient quelques domaines et prieurés.
Les deux premières de ces abbayes eurent une longue querelle, à propos du monastère prieuré de Goudargues, qui finalement resta l’apanage de l’Abbaye d’Aniane (Hérault). A ces mêmes religieux, en tant que possesseurs de Goudargues, appartenaient, dans le cours du XIIe siècle, les églises de Saint-André-de-Roquepertuis, de Notre-Dame-de-Bondillon (la future Chartreuse de Valbonne, échangée, le 10 février 1204, avec l’église de la Bastide-d’Orniols), Fons-sur-Lussan, etc.

Quant aux moines de la Chaise-Dieu, expulsés de Goudargues, ils ne conservèrent plus de biens qu’en dehors de la région qui nous intéresse ici. Ils eurent ainsi pendant le moyen âge, dans le diocèse d’Uzès, des prieurés à Barjac, Boncoiran, Cruviers, Euzet, Gattigues, Saint-Martin-des-Plans et Saint-Hippolyte-de-Caton. La fameuse abbaye de Saint-Baudile, sous les murs de Nimes, avait été aussi unie à la Chaise-Dieu, en 1084.

L’abbaye Saint-Victor de Marseille pouvait revendiquer des biens dans la Vallis Miliacensis, si difficile à situer exactement mais que certains auteurs localisent dans la vallée de la Tave, ils possédaient des biens au Pin et des domaines à Criders (Saint-Clément-de-Cadens) et Ad Ipsos Alodes (M. E. Germer-Durand, identifie ce lieu avec Dominargues, sur le territoire de Connaux.)

Comment parlait-on au X° Siècle.

Voici un poème de Saint Abbon de Fleury (né v. 940-945 à Orléans, mort le 13 novembre 1004 à La Réole), moine bénédictin réformateur, l’abbé de Fleury est un des grands théologiens de son temps.

TEXTE ORIGINAL

VERSICULI AD MAGISTRUM DACTILICI.

O pedagoge sacer meritis

Aymoine piis radians

Digneque sidereo decore:

Perrogitat matites liniens

Ore pedes digitosque tuos,

Cernuus Abbo tuus jugiter

Sume botros, tibi quos tua fert

Vitis adhuc virides; rubeant

Imbre tuo radiisque tuis,

Continuo seris atque fodis

Tu, celebrande, putas et eam

Nuncque cupis, niteat pluviis

Alterius, jubare alterius?

Dulce cui tribuas rogo mel.

Nam tibi palmes et uva manet.

Floruit has mihi Parisius

Nobilis urbs, veneranda nimis,

Bella precans sua ferre tibi.

Agnita cujus ut orbe vago

Sepiat ethera palma volans,

Doxaque regnet ubique micans,

Ore tuo gradiente super.

TRADUCTION
ADRESSÉS PAR ABBON A SON MAITRE

O vénérable maître Aimoin, toi dont les pieuses vertus jettent une si vive lumière, et qui es digne des honneurs du ciel, ton disciple, ton humble Abbon, qui de sa bouche baise tes pieds et les doigts de tes mains, t’en conjure avec instance; accepte ces raisins, quoique encore verts, que t’offre une vigne qui est bien la tienne, et puissent-ils se dorer à ta rosée et aux rayons de ta chaleur ! Cette vigne, tu n’as cessé, illustre maître, de la planter, de la bâcher et de l’émonder de tes mains. Maintenant que tu désires que ses fruits brillent arrosés par les eaux et réchauffés par les feux d’un autre, je t’en supplie, répands sur eux ton miel si doux, car c’est à toi que les ceps et leurs raisins appartiennent réellement. Ces fruits, je les ai enfantés à la prière de la ville de Paris. Cette noble et illustre cité a voulu que je retraçasse pour toi ses combats. Elle s’est promis que le bruit de ses célèbres victoires, volant par tout l’univers, s’élèverait jusques aux cieux, et que sa gloire éclatante brillerait en tous lieux, si ta bouche daignait sourire à mes efforts.

Au 11ème siècle:

Le pouvoir temporel au cours du siècle.

Ce sont toujours les comtes de Toulouse qui ont autorité sur la région.
Guillaume III Taillefer, comte de Toulouse jusqu’en 1037.
Pons II ou III, comte de Toulouse, 1037-1060.
Guillaume IV comte de Toulouse, 1060-1088, abdique, tué en 1094.
Raymond IV de Saint-Gilles (I° comte de Tripoli) né en 1042, comte de Toulouse, duc de Septimanie et marquis de Provence, tué le 22 juin 1105 en faisant le siège de Tripoli. Il est un des chefs de la Première Croisade.
Bertrand, né en 1066, comte de Toulouse, duc de Septimanie et marquis de Provence, comte de Tripoli jusqu’en 1112.

Le pouvoir spirituel régional.

Pendant ce siècle, deux évêques sont identifiés et siégèrent à Uzès : Héribald (994-1030) et Hugues (1030-1080). Deux longs sièges, ce qui est le signe d’une certaine stabilité.

Expansion et puissance du christianisme.

Au 11ème siècle, c’est le début de l’expansion des grands ordres religieux en Cévennes. La région est colonisée par les moines, les grandes abbayes du Languedoc et de l’Ardèche étant surpeuplées. En raison des problèmes de ravitaillement et de logement, les monastères se décentralisent donc, aidés par les seigneurs qui leur donnent propriétés, terres et troupeaux en échange de produits, de travaux et de monnaie.

Des initiatives ont lieu partout : construction de terrasses : les célèbres faysses de la région qui sont l’aménagement des pentes en terrasse de culture, le terme « faissa » (du latin fasciam « bande »), au singulier désigne une « bande de terre soutenue par un mur » et au pluriel une « culture en terrasse« . L’aménagement justement des faysses en dessous du village de St André d’Olérargues, côté soleil levant jusqu’aux bords du ruisseau Réfrégeoun doivent dater de cette époque, j’encourage le promeneur courageux à descendre à travers la dense végétation au pied du village pour découvrir les vestiges des travaux qui ont été réalisés, les grands murs de soutènement, les chemins, les aménagements du ruisseau etc.
C’est aussi la période de la construction de nouvelles maisons, d’aménagement des terrains et des cultures et la plantation des châtaigneraies sur les terres favorables.
Ainsi s’installent les premiers agriculteurs du pays qui organisent l’aménagement de l’espace repoussant plus loin les bergers.
Les déboisements obligatoires restèrent utiles tant que l’équilibre Ager-Saltus-Silva fut respecté, c’est-à-dire l’équilibre entre les champs cultivés, les pâturages et les forêts. Ils devinrent nocifs quand, par la faute d’une agriculture extensive et précaire où la jachère occupait la moitié de l’assolement, cet équilibre fut rompu au détriment de la forêt.
Comme partout ailleurs, les défrichements dans le département du Gard correspondent à une ère de paix et de prospérité, alors que les longues années de troubles ou d’invasions ont favorisé l’extension de la forêt. Je traiterai plus complètement de ces problèmes dans le chapitre V en parlant de l’agriculture et de la forêt.

On l’a dit maintes fois et il faut le dire encore : il est certain qu’au début du XIe siècle la Gaule tout entière prit cette parure de blanches églises dont parle le chroniqueur Raoul le Glabre.

Partout les monastères se repeuplaient et se reconstruisaient, les moines et les évêques poursuivaient contre les laïques la revendication de leurs biens, relevaient leurs églises et déployaient un zèle qu’attestent les multiples documents de cette époque. Ils eurent enfin le bonheur de connaître de longues années de prospérité. Aussi purent-ils assister à l’épanouissement de l’art roman, qui pendant près de deux cents ans suivit une marche ascendante et réalisa d’énormes progrès. A ce tournant de l’histoire, il est intéressant de jeter un coup d’œil sur les puissances ecclésiastiques de la région qui nous préoccupe et de connaître les principaux possesseurs des églises.

La plus forte autorité spirituelle et la plus grande puissance temporelle appartiennent certainement à l’évêque d’Uzès qui est le seigneur le plus puissant de toute la région. L’absence de documents empêche malheureusement de préciser d’une façon exacte quelle était l’étendue de ses biens au début du XI° siècle. De plus, la réserve qu’il observait vis-à-vis des premiers rois Capétiens l’empêcha de solliciter d’eux des diplômes de propriété de ses domaines ; on n’a pas gardé, non plus, les bulles que vraisemblablement il obtint des papes.

Voici la très belle chapelle romane de St Symphorien de Boussargues commune de Sabran datant de cette époque.

Figure 92. Photo de l’auteur
Quoi de neuf à St André d’Olérargues ? Une église surement.

L’église.
Cette église a été réparée et modifiée notament au XVII° et au XIX° siècle
Figure 97. Photo de l’auteur.

A l’origine l’église était composée seulement d’une nef constituée d’une voûte en berceau et d’une abside plus basse avec une voûte en cul-de-four sur les mêmes bases que la chapelle de St Symphorien de Boussargues (figure 92).
Le transept a été ajouté plus tardivement. Sur la photo ci-dessus la partie à gauche du trait rouge est la partie originelle.
A droite du trait rouge ce sont les ajouts tardifs.

Figure 98. Photo de l’auteur.

Sur cette photo, à droite du trait rouge, on peut voir le transept ajouté avec le retour le long du mur de la nef faisant la chapelle de la Vierge. Sur la partie gauche du trait, la construction initiale. La porte d’entrée sud, visible sur cette photo a été ajoutée plus tardivement.

On remarquera sur le mur de la nef qu’il y a peu d’ouvertures et elles sont placées très haut.
Côté sud en plus de la chapelle de la Vierge il a été ajouté une excroissance servant de sacristie, dont les pierres ne sont pas encastrées aux murs de la construction initiale. On voit sur la figure 97 que le transept a été ajouté à la nef juste après l’arc triomphant qui termine la nef et sur lequel prend appui l’abside. Le clocher en campanile a aussi été refait. A l’origine il devait sans doute être au-dessus de l’arc triomphant, comme cela se faisait habituellement. On remarque que les pierres qui le compose sont taillées plus rectilignes et sont d’un calcaire différent.

Côté nord le grand bâtiment qui a servi de presbytère. Au niveau de la construction de ces ajouts, on peut constater que d’une part l’appareil de construction est différent et que d’autre part les ouvertures dans la partie originelle sont en arc plein cintre, typiquement roman, tandis que les ouvertures de la sacristie et du transept sont en ogive comme cela s’est fait plus tard avec l’apparition du gothique.

Il avait été fait une porte d’accès permettant d’entrer directement dans l’église depuis le presbytère au moment de la construction de celui-ci. Aujourd’hui elle a été murée.

Comme nous le voyons sur la photo ci-après l’entrée de l’église se faisait par un porche sur la façade ouest, dans le prolongement de la nef, qui pour une raison inconnue a été murée. Il a peut-être été préféré d’ouvrir l’accès sur plus d’espace, les habitations étant trop proches de l’ancienne porte.

Figure 99. Photo de l’auteur.Porte principale murée façade Ouest

Les fils electriques, sur la facade, auraient pu être plus discrets, voire encastrés … A chaque époque, ces pauvres monuments du passé ont eu a subir des dégradations esthétiques sous prétexte que c’est mieux ainsi et qu’on veut améliorer ce que les bâtisseurs d’origine avaient conçu.

Quelques autres petites curiosités à remarquer sur ces vénérables pierres …

Sur le contrefort gauche de la facade sud, dans la partie haute il y a un cadran solaire de type méridional, gravé sur une pierre encastrée, de forme carrée avec des lignes chiffrées dans un bandeau d’encadrement, des points indiquent les demi-heures, sur la partie haute une date y est gravée : 1737.

Figure 100. Photo de l’auteur.Cadran solaire sur contrefort gauche, façade Sud.

Plus bas, sur le même contrefort il y a deux vestiges de pseudo-cadran, gravé sur la pierre, très dégradés, sans style remarquable. Celui de droite est semi-circulaire avec 5 lignes formant 4 secteurs égaux. Il est de type dit « canonial ».

Il peut dater de l’époque de construction de l’église, lorsque les moines étaient présents et y faisaient leurs offices. Il a pu indiquer les heures des différentes obligations religieuses de jour.

Ces offices basés sur la Règle de Saint-Benoit : huit heures canoniques (canoniales), séparées par des intervalles de sommeil, de lecture et de travail, sont réservées pour les offices du culte.

Le jour commence à minuit, avec le service des Matines (ou Vigiles).

Il est suivi de l’office de Prime.

Puis à l’aurore par le chant des Laudes.

Dans la matinée viennent l’office de Tierce à 9 heures

Ensuite l’office de Sexte à midi.

Dans l’après-midi, on trouve l’office de None vers 15 heures,

Les Vêpres vers 18 heures

Enfin les Complies vers 19 heures.

Figure 101. Photo de l’auteur.Cadran solaire sur contrefort gauche, façade Sud.

Sur la façade sud, sur l’arcade du portail actuel il y a différents tracés circulaires et/ou rayonnants ressemblant à de pseudo cadrans solaires, mais qui à mon avis n’en sont pas. Celui du haut est un cercle complet, or un cadran solaire n’utilise pas le demi-cercle supérieur. Quant à celui du bas il est assez limité. Je pense que ce sont des tracés de gabarits qui ont servi au tailleur de pierre pour reporter des angles de découpe des pierres de voûte, pour cette construction ou pour une autre.

Figure 102. Photo de l’auteur.Cadran solaire sur porche, façade Sud.

Figure 103. Photo de l’auteur.Cadran solaire sur porche, façade Sud.

Figure 103-1. Photo de l’auteur. Interieur le choeur.

Figure 103-2. Photo Géoportail. Vue en plan – Orientation.

Comment parlait-on au XI° Siècle.

En 1002 premier texte connu entièrement en langue occitane.

Il existe à la bibliothèque nationale un manuscrit du XI° siècle au maximum, contenant des pièces dont quelques-unes sont mêlées de vers en languedocien et en latin.

En voici un exemple d’un extrait d’une prière en roman :

TEXTE ORIGINAL
Be deu hoi mais finir nostra razos :
Un pauc soi las, que trop fo aut los os.
Leven doi clerc que diien lo respos.
Tu autem deus, qui est paire glorios,
Nos te preiam que t remembrebde nos
Quant triaras los mals d’antre los bos

TRADUCTION APPROXIMATIVE
Aujourd’hui, jour du Bon dieu, mais il faut finir notre tache
Que l’on soit un peu las, ou les os épuisés.
Le clerc doit se lever, ce n’est que le lendemain le repos.
Toi seul dieu, qui est père glorieux
Nous te prions de te rappeler de nous
Quand tu trieras les mauvais d’entre les bons

Et voici un extrait de La Chanson de Roland vers 1090 non en occitan mais en langue d’oïl.

La Chanson de Roland, poème épique de 4002 vers décasyllabiques assonancés (10 pieds et rimes de même son), groupés en laisses, a probablement été composée vers la fin du XI° siècle, peut-être par Turoldus, dont il est dit à la fin du poème qu’il le déclina. Ce poème est considéré comme le premier de son genre et comme le chef-d’œuvre des chansons de geste. Il appartient au Cycle du Roi (c.-à-d. de Charlemagne). L’auteur présumé, Turold, est inconnu. Le poème se trouve dans le manuscrit 23 du fonds Digby de la Bibliothèque Bodléienne à Oxford. Il est l’œuvre d’un scribe anglo-normand et reproduit le français qui se parlait en Angleterre vers 1170.

Extrait (début de la chanson):

TEXTE ORIGINAL
Carles li reis nostre emperere magnes
Set anz tuz pleins ad estet en Espaigne.
Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
N’i ad castel, ki devant lui remaigne,
Mur ne citet n’i est remes a fraindre,
Fors Sarraguce, ki est en une muntaigne,
Li reis Marsilie la tient, ki Deu nen aimet,
Mahumet sert, e Apollin recleimet,
Nes poet guarder que mals ne l’i ateignet.
Li reis Marsilie esteit en Sarraguce,
Alez en est en un verger suz l’umbre,
Sur un perrun de marbre bloi se culched,
Envirun lui plus de vint milie humes.
Il en apelet e ses dux e ses cuntes:
Oez seignurs, quel pecchet nus encumbret,
Li empereres Carles de France dulce
En cest pais nos est venuz cunfundre.
Jo nen ai ost, qui bataille li dunne,
Ne n’ai tel gent ki la sue derumpet.
Cunseilez mei cume mi saive hume,
Si me guarisez e de mort et de hunte.
N’i ad paien, ki un sul mot respundet,
Fors Blancandrins de Castel de Valfunde.

TRADUCTION APPROXIMATIVE
Charles, le roi, notre grand empereur
Est resté sept ans entiers en Espagne.
Jusqu’à la mer, il a conquis le haut pays.
Il n’y a plus un château qui résiste devant lui.
Plus une muraille, plus une cité n’y reste à forcer
Hormis Saragosse, qui est sur une montagne.
Le roi Marsile, qui n’aime pas Dieu, la tient.
Il sert Mahomet, il se réclame d’Apollon.
Il ne peut éviter que le malheur ne l’atteigne.
Le roi Marsile est à Saragosse,
Il s’en est allé dans un verger, sous l’ombre,
Sur un banc de pierre de marbre bleu, il est couché,
Autour de lui, il y a plus de vingt mille hommes.
Il appelle ses duc et ses comtes:
Écoutez, seigneurs, quel malheur nous encombre.
L’empereur Charles de France la Douce
Est venu dans ce pays pour nous confondre.
Je n’ai pas d’armée qui puisse lui livrer bataille,
Ni de assez gens pour rompre la sienne.
Conseillez-moi, comme mes hommes sages,
Et sauvez-moi de la mort et de la honte.
Il n’y a aucun païen qui réponde par un seul mot,
Sauf Blancandrin du Château de Valfonde…

Au 12ème siècle:

Le pouvoir temporel au cours du siècle.

La région dépend toujours des comtes de Toulouse.
Alphonse Jourdain né en 1103 (en Orient), comte de Toulouse puis duc de Narbonne et duc de Septimanie, marquis de Provence de 1112 à 1148 (empoisonné lors de la Deuxième Croisade).
Raymond V né en 1134, comte de Toulouse de 1148-1195, épouse en 1154 Constance fille du roi de France Louis VI. Divorce en 1165.
Raymond VI Le Vieux né en 1156, comte de Toulouse, pair de France de 1195 à 1222. La Croisade des Albigeois est déclenchée sous son règne.

Le XI° et le XII° siècle furent les plus prospères et les plus calmes. La démographie fut importante, la densité de population dans les campagnes atteint des niveaux que l’on ne retrouva pas avant le XIX° siècle. Ceci explique le nombre important d’enfants qui entraient dans les ordres monastiques notamment, faute de pouvoir se partager la terre des parents. Le chemin des vocations est parfois tortueux.

Pouvoir et possessions des religieux.

L’Evêque :

Pendant ce siècle, cinq évêques, seigneurs de la région, siégèrent à Uzès : Raymond I (1096-1138), Ebrard I (1139-1150), Raymond II d’Uzès ou de Posquières (1150-1188), Bertrand I (1189-1190) et Guillaume de Vénéjan (1190-1204).

On peut juger de l’importance des possessions de l’évêque par un diplôme de Louis VII, daté de 1156.
A cette époque, l’évêque d’Uzès, outre ses droits dans sa ville épiscopale et dans les autres parties de son diocèse, avait, au moins sous sa suzeraineté, les châteaux de Sabran, La Roque et Pougnadoresse. C’était au lendemain d’une transaction avec l’abbaye d’Aniane et le prieur de Goudargues, confirmée le 20 avril 1155, et par laquelle l’évêque avait abandonné toutes prétentions sur un certain nombre d’églises, pour s’assurer entre autres celles de Saint-Étienne à Fons-sur-Lussan, Saint-Castor, Saint-Pierre à Cavillargues et Saint Vincent-de-Cros près Cornillon . Il eut encore, jusqu’en 1162, l’église de Saint-Émétery, près le village actuel de Chusclan, et l’échangea à cette date contre celle de Saint Florent ; il conclut un même, échange, deux ans plus tard, avec l’abbaye de Saint-André, auquel il abandonna l’église de Saint-Privat à Pouzilhac.

Mais il faut aller jusqu’en 1211, époque de la concession d’un diplôme de Philippe-Auguste, qui lui assurait de très nombreuses possessions, pour se rendre compte de la puissance qu’il avait su acquérir : lui appartenaient alors les châteaux de Pouzilhac et de Masmolène, la bastide de la Capelle, les châteaux de Tresques, Bord, Gicon et Vénéjan, le domaine de Saint-Paul-lez-Connaux, le château de Cornillon, la Bastide-d’Orniols, le château de Verfeuil, le prieuré de Valsauve, les villas de Saint-Marcel-de-Carreiret, de Saint-Laurent-la-Vernède et de Fontarèche, la Bastide d’Engras, les châteaux de Saint-André-de-Roquepertuis et de La Calmette, sans compter des châteaux, prieurés et domaines sis dans le reste de son diocèse. Philippe-Auguste compensait donc royalement l’attachement de l’évêque à sa cause et les pertes qu’il pouvait avoir éprouvées de la part du comte de Toulouse et des Albigeois ; d’autre part, le 6 mars 1215, Simon de Montfort ajoutait de nouveaux droits et de nouvelles possessions, parmi lesquelles se trouvait Saint-Pons-la-Calm.

Le Chapitre

A côté de l’évêque, le chapitre d’Uzès (c’est-à-dire l’ensemble du clergé régulier) faisait moins grande figure : c’est à peine si, d’après quelques documents de date postérieure, on peut envisager quelles églises de Bagnols, de Saint-Julien-de-Pestrin, de Saint-Paulet-de-Caisson, de Saint-Victor-la-Coste lui appartenaient dès le XIIe siècle.

Les Bénédictins.

Les Bénédictins, par contre, surtout les Clunisiens, dont le plus important prieuré, celui de Saint-Saturnin-du-Port (aujourd’hui Pont St Esprit), leur venait d’une donation cité au X° siècle, avaient des domaines beaucoup plus étendus.
Au prieuré de Saint-Saturnin avaient été rattachés, dès l’origine, Lirac, Mézérac (Ferme de la commune de Saint-Paulel-de-Caisson), Genesanicum (Chusclan) et des biens à la Prade ou Provaison (commune du Pont-Saint-Esprit), Fons-sur-Lussan, Colorgues (quartier du territoire de Saint-Alexandre), etc., auxquels vinrent s’ajouter par la suite les prieurés de Saint-Pancrace au Pont-Saint-Esprit, de Saint-Émétéry à Chusclan (1162), de Saint-Pierre-de-Castres, de la Madeleine et de Gajan à Tresques, de Connaux, de Saint-Paul-lez-Connaux et peut-être de Saint-Georges et de Saint-Pierre à Vénéjan, et de Saint-Pierre à Saint-Etienne-des-Sorts.
L’abbaye de Cluny avait encore Saint-Gilles, St André d’Olérargues, le prieuré de Saint-Loup-de-Servesan près de Tresques ; Saint-André de Villeneuve n’eut celui de Saint-Privat à Pouzilhac qu’à partir de 1164. Tout cela finissait cependant par constituer pour les Bénédictins un ensemble fort respectable.

Les Templiers.

On a aussi attribué aux Templiers, souvent confondus avec les Hospitaliers, un certain nombre de domaines et de prieurés ; mais ici rien n’est bien prouvé. Bornons-nous à citer l’opinion qui inscrit dans la liste de leurs biens : Boussargues, Saint-Sauveur à Cornillon, Saint-Jean-d’Orgerolles à la Bastide-d’Engras, Saint-Vincent à Gaujac et Notre-Dame-de Mayran.

Dans quel état se trouva la région à la fin du même siècle ?

En définitive donc, la plus grande partie du pays était divisée entre l’évêque d’Uzès et les Bénédictins. L’un et les autres jouissaient de revenus plus que suffisants pour faire face aux dépenses de construction ou d’entretien de leurs églises et abbayes, et il n’y a plus à s’étonner si toute la campagne fut couverte d’une foule de monuments consacrés au culte.

Et que disait-on en languedocien au XII° Siècle ?

TEXTE ORIGINAL

Lo vescoms de Sant Antoni si fo del evescat de Caortz, senhor de Sant Antonin e vescoms, et amava una gentil domna, moiller del senhor de Pena d’Albiges, d’un castel ric e for. La domna gentilz e bela et vatens, e mot prezada, e mot honrada, etel mot valens e enseignatz, e bon trobaire. Et avia nom Ramon Jordan ; la domna era apellada la Vescomtessa de Pena. L’amors dels dos si fo ses tota mesura, taut se volgren de ben l’us à l’autre.

TRADUCTION

Le vicomte de Saint Antonin, fut de l’évéché de Cahors, seigneur de Saint Antonin et vicomte, et aimait une gentille dame, femme du seigneur de Penne d’Albigeois, d’un château riche et fort ; la dame belle gentille, très estimée, prisée et honorée, et lui vaillant, instruit, courtois et généreux, et bon homme d’armes, aimable et bon troubadour ; et il avait nom Raymond Jourdain, et la dame était nommée la vicomtesse de Penne. L’amour de tous deux fut sans mesure, tant ils se voulaient de bien l’un à l’autre.

Je conseille ici la lecture des romans d’Ellis Peters, la série consacrée à Frère Cadfael, qui est un moine détective du Moyen-âge. L’auteur décrit très bien la vie de cette époque dans les villes ainsi que dans et autour des abbayes. Les intrigues y sont intéressantes notamment, par exemple, le livre intitulé « La Foire de St Pierre » qui se déroule en l’an 1139.

Ou encore le roman de Ken Follet « Les piliers de la terre » qui raconte la vie au XII° siècle en Angleterre et les liens avec la France.

Le duché d’Uzes.

Figure 93. Photo de l’auteur

Au 13ème siècle:

Le pouvoir temporel au cours du siècle.

Ce siècle voit la fin du règne des comtes de Toulouse et l’annexion de la région à la couronne de France. Raymond VII Le Jeune né en 1197, Comte de Toulouse et marquis de Provence de 1222 à 1249).

Jeanne née en 1220, comtesse de Toulouse, pair de France de 1249 à 1271. Elle épouse en 1241 Alphonse, comte de Poitiers, frère du roi de France, mort également en 1271.

A la mort d’Alphonse de Poitiers, le Comté de Toulouse est définitivement annexé par la couronne de France.

Louis IX le Juste dit Saint-Louis (25 avril 1214 – 25 août 1270) mort à 56 ans. Devient roi de France à la mort de son père Louis VIII, le 8 novembre 1226. Est sacré à Reims le 29 novembre 1226. Meurt de la dysenterie le 25 août 1270.

Philippe III dit le hardi vient de devenir roi de France en 1270, à la mort de Saint Louis. Mort en 1285.

Philippe IV dit le Bel , roi de 1285 à 1314. Célèbre pour ses démêlés avec les templiers (Revoir ou relire « Les rois maudits »)

Le pouvoir spirituel régional

Au 13° siècle à Uzès siégèrent les évêques : Ebrard II (1204-1208) Fondation de la Chartreuse de Valbonne. Raymond III (1208-1212)Raymond IV dit de Mas André (1212-1227) Berlio (1228-1239) Pons de Becnil (1240-1249) Bertrand II Armand (1249-1285) Guillaume II de Gardis (1285-1307)

Le pouvoir local

C’est au XIIIe siècle, suite au déclin des Clunisiens que le fief de « Villæ Sancti Andreæ d’Oleyranicis » devient la possession de seigneurs locaux restant toutefois sous la suzeraineté de l’évêque d’Uzès au moins jusqu’en 1715.

Ces seigneurs n’étaient pas issus de grande noblesse, ainsi ils détenaient ce bien en « franc fief », c’est-à-dire que c’est un fief possédé par un noble ou un roturier, avec concession et dispense du roi, contre la règle commune qui ne permettait pas aux roturiers de tenir des fiefs.

Le détenteur du fief n’étant plus soumis qu’à des services féodaux réduits, et à aucun des services nobles (service militaire, chevauchée, conseil, etc.), il devait payer en compensation le droit de franc-fief et l’hommage au suzerain était alors converti en une simple reconnaissance.

Ce droit est dû tous les vingt ans ou à l’occasion d’une mutation inopinée. Il est payable à l’issue de la première année de possession. Les ecclésiastiques et les commensaux du roi en sont exempts. Une façon d’y échapper était d’acheter un office anoblissant puis d’acquérir un bien noble.

Ce droit qui freinait la vente des terres nobles et en renchérissait l’acquisition était mal vu de la noblesse et de la bourgeoisie soucieuse de placements fonciers.

Le fief est l’ensemble des terres, c’est-à-dire des propriétés foncières, des droits et des redevances, mais aussi les hommes et les femmes travaillant ces terres, toutes les habitations, demeures et dépendances du village.

Le fief appartenait jusqu’au début du XIIIe siècle à l’évêque d’Uzès, nous avons vu qu’au X° siècle une partie des terres et l’église avaient été données à l’abbaye de Cluny. Deux cent ans après la seigneurie était revenue dans le giron de l’évêché.

Ensuite, il y eu plusieurs coseigneurs, indivise entre Raymond de la Tour d’Aigues et la famille de Sabran. Puis Hermessinde Veuve de Guillaume de Martortel et Elzéar de Sabran en 1260. Dès 1271 apparaissaient la famille de Gardies, Guillaume de Gardies, seigneur de Fontarèche, fils de Bertrand de Gardies. Enfin Jean de Gardies en 1319.

La richesse des nobles locaux.

Voici en exemple la reconnaissance que fait Dame Hermessinde à son suzerain l’évêque d’Uzès, on verra que pour elle sa possession à St André d’Olérargues représente « une goutte d’eau » dans ses richesses. Le texte suivant est écrit en « latin notarié ».

J’en donnerai la traduction en suivant.

Figure 94. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales
Figure 94 bis. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales
Figure 94 ter. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales
Figure 95. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales
Figure 95 bis. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales
Figure 95 ter. Numerisation de l’auteur. Archives paroissiales

Ce document inédit est une copie collationnée du texte d’origine, faite en 1792, pour les besoins du jugement d’un litige entre le seigneur du lieu et la communauté villageoise. Il a été traduit en français par le Chanoine Roman, je le cite :

« L’an de l’incarnation de Notre Seigneur, 1260, et le 11 des calendes d’août, Louis, roi de France, régnant, moi noble dame Hermessinde, épouse autrefois d’illustre seigneur Guillaume de Mortortel, dame et seigneuresse administrative des enfants de feu Hermengaud, mon fil, et au nom des dits enfants ; et moi Elzéar de Sabran, fils de la dite Hermessinde, établi tuteur par le dit Hermengaud dans son testament, de ses dits enfants. Nous deux tant à notre nom qu’au nom des dits enfants, non contraints, ni trompés, ni séduits, ni circonvenu par personne, Nous reconnaissons détenir à franc fief de vous vénérable Père et Seigneur Bertrand par la grâce de Dieu évêque d’Uzès, la domination, juridiction, propriété, mère et mixte impère (1), que nous avons ou devons avoir dans la cité d’Uzès et dépendances, sauf ce que nous tenons du chapitre d’Uzès.

« Item, nous reconnaissons comme ci-dessus, tout ce que nous possédons au château de Saint Quentin et aux châteaux de Dions, de Bouquet, de Pougnadoresse, de la Roque, de Montaigut et de toutes les dépendances, districts et mandements desdits châteaux ;

« Item, nous reconnaissons comme ci-dessus, tenir du seigneur évêque d’Uzès en franc fief tout ce que nous avons ou devons avoir dans les villages, savoir : de Saint André d’Olérargues, de Saint Laurent de Carnols, de Vacquières, de St Just, d’Euzet, de Fontarèche et de Carme, dans le tènement et mandement du château de Moussac et dans le village de Saint Hippolyte et de Flaux et de Saint Siffred et de Vers et d’Armilhac et dans de tènement et mandement du château de Montaren, dans le village de Saint Pierre d’Aubussargues et dans les tènements, dépendances et districts desdits villages ou châteaux.

« Item, nous reconnaissons comme ci-dessus, cette partie et tout ce que nous avons et devons avoir dans le port de l’Ardèche, situé dans le tènement de Peyrolles et sur le port du Rhône à Saint Saturnin.

« Item, nous reconnaissons comme ci-dessus, ce que nous possédons dans le château de Montdragon, diocèse d’Orange, au dedans et au dehors et dans son mandement ou tènement, et dans l’Isle de Formigière, au diocès de Viviers, et généralement tous les droits, juridiction, domination, mère et mixte impère, que nous avons ou devons avoir ou paraissons posséder dans les dits évêchés, le tenir dudit seigneur évêques en franc fief ; de sorte que nous sommes tenus, au sujet du dit fief, de faire seulement audit seigneur évêque, reconnaissance lorsqu’il y aura changement de suzerain ou de vassal, et être fidèle au sujet du dit fief et de promettre fidélité selon l’usage.

« Et la présente reconnaissance, Nous deux susnommés, tant en notre nom qu’au nom des susdits enfants, nous la faisons à Vous Raymond de Montaren, chevalier, viguier dudit seigneur évêque et procureur spécialement établi pour recevoir la dite reconnaissance, au nom du susdit évêque, sur la réserve des droits de toute personne qui aurait fraction ou domaine sur ledit fief.

« Enfin nous disons, reconnaissons et confessons qu’après avoir convoqué le conseil de nos hommes, chevaliers, nobles et savants aussi, tous d’une seule voix ont dit que le susdit fief, tel qu’il est décrit ci-dessus, fut tenu par ledit Guillaume de Maltortel et par ses prédécésseurs, et qu’ils tenaient à franc fief comme il est ci-dessus, spécifié, du seigneur évêque d’Uzès ; aussi nous aurons pour toujours la présente reconnaissance juste et nous l’observerons inviolablement.

« Fait au château d’Auzon, dans la salle qui est en face de la citerne, en présence des témoins suivants, pour cela appelés, savoir : Messires Bertrand Malvins, prieur de Val Jouffe ; Rostan Hugolin, Pons Bremond, chevalier ; Aiméric Gautier, Artaud Cascarel, Hugues de Rhodes, et devant moi Bertrand Bonhomme, notaire public du Roi de France, notre sire, qui à la demande des deux parties ai écrit le présent acte et l’ai signé. »

1) Mere, mixte et empire ou impère : « ce terme a été emprunté du latin imperium, lequel chez les Romains signifiait juridictions : on disait merum & mixtum imperium, & anciennement en France, mère & mixte impère, pour exprimer le pouvoir d’exercer toute justice, haute, moyenne & basse ». (Encyclopédie – chez Panckoucke – 1784)

Voici quelques images des possessions (non limitatives) que Dame Hermessinde cite dans sa reconnaissance et qui sont encore debout de nos jours, quoiqu’ayant été modifiées au cours des siècles. On peut remarquer que la Dame et sa famille ne devaient manquer de rien !

Figure 96. Photo de l’auteur.

Fin de l’époque Romane.

Les édifices ne résistèrent pas tous aux injures du temps et des hommes, et même ceux qui purent échapper à la destruction n’arrivèrent pas souvent jusqu’à nous dans l’état où les avait laissés le XIIe siècle. C’est qu’en effet l’ère des calamités n’était pas encore close pour les malheureux pays riverains du Rhône.

Les désordres causés par l’hérésie des Albigeois et les guerres qui s’ensuivirent marquèrent la fin de l’époque romane et inaugurèrent des temps nouveaux, surtout par la ruine de la puissante maison des comtes de Toulouse.
La croisade des Albigeois (1208-1229) (ou plus exactement la croisade contre les Albigeois) ce fut une croisade proclamée par l’Église catholique contre l’hérésie, principalement le catharisme et dans une faible mesure le valdéisme. Dès le XIIe siècle, les textes de l’époque parlent d’hérésie albigeoise sans que cette région soit plus cathare que ses voisines.

Le catharisme était surtout implanté en Languedoc, lequel était dominé par deux familles, la maison de Toulouse et la maison Trencavel. N’ayant pas réussi à s’entendre pour faire front, le comte Raymond VI de Toulouse fait amende honorable et se croise, tandis que Raimond-Roger Trencavel se prépare à se défendre contre la croisade. Une fois Béziers et Carcassonne prises et le vicomte Trencavel emprisonné, les croisés désignent l’un des leurs, Simon de Montfort, pour poursuivre la lutte (1209). Cette croisade évolue rapidement en guerre de conquête, d’abord pour le compte de Simon de Montfort, puis après la mort de ce dernier (1218) et l’échec de son fils Amaury, pour le bénéfice de la couronne. Cela n’empêche pas la lutte contre le catharisme, d’abord sous la direction des évêques locaux, puis sous celle de l’Inquisition (à partir de 1233).

Finalement, les vicomtés de Carcassonne, d’Albi et de Béziers sont annexés au domaine royal en 1226 ; le comté de Toulouse passe à Alphonse de Poitiers, un frère de saint Louis en 1249 et est annexé en 1271. Le Languedoc, qui se trouvait au début du XIIIe siècle dans la sphère d’influence du Royaume d’Aragon est entièrement passé à la fin de ce siècle sous celle du roi de France. À cette époque, le catharisme est éradiqué en Languedoc, et seulement quelques cathares ont pu se réfugier en Lombardie.

Les pillages des « routiers »

La région orientale du Languedoc souffrit cependant beaucoup moins que d’autres contrées, telles que celles des environs de Narbonne, de Carcassonne, de Toulouse et d’Albi. La faiblesse et l’indolence du comte Raymond VI laissèrent d’abord s’introduire dans ses États des bandes de brigands, que l’on appelait « les routiers », Aragonais ou Brabançons, qui, dès 1195, faisaient sentir leurs ravages.
C’était souvent des bandes de soldats ou de mercenaires, livrés à eux même entre deux conflits ou pendant le siège d’une ville.
Ils s’emparèrent même du château de Beauvoisin près de Nîmes, où le comte de Toulouse dut venir les assiéger en 1197. Il crut s’en débarrasser en les prenant à sa solde, mais ces pillards commirent toutes les atrocités que l’on attribue à lui ou aux Albigeois. Raymond VI, qui vécut de longs mois dans la sénéchaussée de Beaucaire, n’était pas lui-même, il est vrai, à l’abri de tout reproche, et l’évêque d’Uzès saura bien faire valoir plus tard, pour en obtenir une ample réparation, les dommages qu’il lui avait causés. Il est difficile pourtant de connaître exactement les méfaits commis par Raymond VI : la tradition veut que ses gens d’armes aient détruit le monastère de Goudargues, le château de Gicon, et bien d’autres encore, mais rien n’est certain.

Le pays dut beaucoup plus souffrir du passage des croisés, qui, en juillet 1209, frayèrent, le long du Rhône, une route qui devait être trop longtemps foulée, puis de la présence des troupes de Simon de Montfort et de Raymond VII, qui se disputèrent Beaucaire et sa sénéchaussée (1215-1216).
Le siège de la ville voisine d’Avignon par Louis VIII, en 1226, dut répandre des bandes de soldats dans toute la contrée; cependant le pays était tout disposé à se soumettre au roi de France : l’évêque d’Uzès en particulier était acquis d’avance à sa cause et détourna par sa fidélité un orage toujours possible. Ainsi plus près de nous, Rostang de Sabran rendit hommage à Louis VIII, en juin 1226, pour la villa de Bagnols et les châteaux de Saint-Victor-la-Coste et Cavillargues.
En somme, les désastres ne furent pas aussi grands que certains auteurs l’ont imaginés : en dehors des brigandages des routiers, qui ne sont que trop prouvés et qui sévissaient aussi dans tout le centre et le sud de la France, on n’a guère de documents qui permettent d’attribuer aux Albigeois de nombreuses destructions dans les pays riverains du Rhône.

Que cultivait-on à cette époque ?

Vers la fin du XIIIème siècle on voit la culture de : blé, seigle, orge en plaine, avoine, mil, millet et riz.
Légumes : Navet, Choux, Poireaux, Fève,
Plantes tinctoriales (teinture) : Garance, Pastel, Gaude.
Arbres : olivier, amandier, noyer pour l’huile, le châtaignier en montagne, mûrier quand la soie apparaît. De nombreux arbres fruitiers ont été ramenés des croisades.
Ils sont en général peu nombreux dans les rares vergers. Le prunier et le pêcher sont les plus communs. En Languedoc les vignes sont complantées d’oliviers et de pêchers. Autres arbres fruitiers: pommier, poirier, cerisier, figuier, abricotier.
L’élevage principal demeure celui de la chèvre et du porc, parfois ils constituent de grands troupeaux communaux. Pigeons. Oies et volailles en petit nombre.
De nombreux ânes et mulets pour le transport et même pour le labour des faysses étroites et accidentées.
Les bœufs sont utilisés pour les labours quand les parcelles le permettent et quand on en possède.

Il faut dire aussi que le commerce des épices avec l’orient était florissant. Les échanges commerciaux avec les arabes aplanissaient les divergences religieuses. Les nobles et les riches bourgeois utilisaient de nombreuses épices dans la cuisine : gingembre, cannelle, girofle, cardamome, muscade, safran…J’en reparlerai au Chapitre V à propos des recettes d’époque.

Comment évolue le langage et l’écriture

Voici un petit échantillon de la langue romane parlée au treizième siècle, c’est ce qu’on appelle la langue d’oc, cet extrait de texte est attribué à Guillaume de Tudela et concerne une chronique, en vers monorimes, sur la croisade contre les Albigeois.

Cela s’intitule : Aiso es la cansos de la crozada contre els Eretges d’Albeges
Ceci est la chanson de la croisade contre les hérétiques Albigeois

Fin de l’époque Romane.

Les édifices ne résistèrent pas tous aux injures du temps et des hommes, et même ceux qui purent échapper à la destruction n’arrivèrent pas souvent jusqu’à nous dans l’état où les avait laissés le XIIe siècle. C’est qu’en effet l’ère des calamités n’était pas encore close pour les malheureux pays riverains du Rhône.

Les désordres causés par l’hérésie des Albigeois et les guerres qui s’ensuivirent marquèrent la fin de l’époque romane et inaugurèrent des temps nouveaux, surtout par la ruine de la puissante maison des comtes de Toulouse.
La croisade des Albigeois (1208-1229) (ou plus exactement la croisade contre les Albigeois) ce fut une croisade proclamée par l’Église catholique contre l’hérésie, principalement le catharisme et dans une faible mesure le valdéisme. Dès le XIIe siècle, les textes de l’époque parlent d’hérésie albigeoise sans que cette région soit plus cathare que ses voisines.

Le catharisme était surtout implanté en Languedoc, lequel était dominé par deux familles, la maison de Toulouse et la maison Trencavel. N’ayant pas réussi à s’entendre pour faire front, le comte Raymond VI de Toulouse fait amende honorable et se croise, tandis que Raimond-Roger Trencavel se prépare à se défendre contre la croisade. Une fois Béziers et Carcassonne prises et le vicomte Trencavel emprisonné, les croisés désignent l’un des leurs, Simon de Montfort, pour poursuivre la lutte (1209). Cette croisade évolue rapidement en guerre de conquête, d’abord pour le compte de Simon de Montfort, puis après la mort de ce dernier (1218) et l’échec de son fils Amaury, pour le bénéfice de la couronne. Cela n’empêche pas la lutte contre le catharisme, d’abord sous la direction des évêques locaux, puis sous celle de l’Inquisition (à partir de 1233).

Finalement, les vicomtés de Carcassonne, d’Albi et de Béziers sont annexés au domaine royal en 1226 ; le comté de Toulouse passe à Alphonse de Poitiers, un frère de saint Louis en 1249 et est annexé en 1271. Le Languedoc, qui se trouvait au début du XIIIe siècle dans la sphère d’influence du Royaume d’Aragon est entièrement passé à la fin de ce siècle sous celle du roi de France. À cette époque, le catharisme est éradiqué en Languedoc, et seulement quelques cathares ont pu se réfugier en Lombardie.

Les pillages des « routiers »

La région orientale du Languedoc souffrit cependant beaucoup moins que d’autres contrées, telles que celles des environs de Narbonne, de Carcassonne, de Toulouse et d’Albi. La faiblesse et l’indolence du comte Raymond VI laissèrent d’abord s’introduire dans ses États des bandes de brigands, que l’on appelait « les routiers », Aragonais ou Brabançons, qui, dès 1195, faisaient sentir leurs ravages.
C’était souvent des bandes de soldats ou de mercenaires, livrés à eux même entre deux conflits ou pendant le siège d’une ville.
Ils s’emparèrent même du château de Beauvoisin près de Nîmes, où le comte de Toulouse dut venir les assiéger en 1197. Il crut s’en débarrasser en les prenant à sa solde, mais ces pillards commirent toutes les atrocités que l’on attribue à lui ou aux Albigeois. Raymond VI, qui vécut de longs mois dans la sénéchaussée de Beaucaire, n’était pas lui-même, il est vrai, à l’abri de tout reproche, et l’évêque d’Uzès saura bien faire valoir plus tard, pour en obtenir une ample réparation, les dommages qu’il lui avait causés. Il est difficile pourtant de connaître exactement les méfaits commis par Raymond VI : la tradition veut que ses gens d’armes aient détruit le monastère de Goudargues, le château de Gicon, et bien d’autres encore, mais rien n’est certain.

Le pays dut beaucoup plus souffrir du passage des croisés, qui, en juillet 1209, frayèrent, le long du Rhône, une route qui devait être trop longtemps foulée, puis de la présence des troupes de Simon de Montfort et de Raymond VII, qui se disputèrent Beaucaire et sa sénéchaussée (1215-1216).
Le siège de la ville voisine d’Avignon par Louis VIII, en 1226, dut répandre des bandes de soldats dans toute la contrée; cependant le pays était tout disposé à se soumettre au roi de France : l’évêque d’Uzès en particulier était acquis d’avance à sa cause et détourna par sa fidélité un orage toujours possible. Ainsi plus près de nous, Rostang de Sabran rendit hommage à Louis VIII, en juin 1226, pour la villa de Bagnols et les châteaux de Saint-Victor-la-Coste et Cavillargues.
En somme, les désastres ne furent pas aussi grands que certains auteurs l’ont imaginés : en dehors des brigandages des routiers, qui ne sont que trop prouvés et qui sévissaient aussi dans tout le centre et le sud de la France, on n’a guère de documents qui permettent d’attribuer aux Albigeois de nombreuses destructions dans les pays riverains du Rhône.

Que cultivait-on à cette époque ?

Vers la fin du XIIIème siècle on voit la culture de : blé, seigle, orge en plaine, avoine, mil, millet et riz.
Légumes : Navet, Choux, Poireaux, Fève,
Plantes tinctoriales (teinture) : Garance, Pastel, Gaude.
Arbres : olivier, amandier, noyer pour l’huile, le châtaignier en montagne, mûrier quand la soie apparaît. De nombreux arbres fruitiers ont été ramenés des croisades.
Ils sont en général peu nombreux dans les rares vergers. Le prunier et le pêcher sont les plus communs. En Languedoc les vignes sont complantées d’oliviers et de pêchers. Autres arbres fruitiers: pommier, poirier, cerisier, figuier, abricotier.
L’élevage principal demeure celui de la chèvre et du porc, parfois ils constituent de grands troupeaux communaux. Pigeons. Oies et volailles en petit nombre.
De nombreux ânes et mulets pour le transport et même pour le labour des faysses étroites et accidentées.
Les bœufs sont utilisés pour les labours quand les parcelles le permettent et quand on en possède.

Il faut dire aussi que le commerce des épices avec l’orient était florissant. Les échanges commerciaux avec les arabes aplanissaient les divergences religieuses. Les nobles et les riches bourgeois utilisaient de nombreuses épices dans la cuisine : gingembre, cannelle, girofle, cardamome, muscade, safran…J’en reparlerai au Chapitre V à propos des recettes d’époque.

Comment évolue le langage et l’écriture

Voici un petit échantillon de la langue romane parlée au treizième siècle, c’est ce qu’on appelle la langue d’oc, cet extrait de texte est attribué à Guillaume de Tudela et concerne une chronique, en vers monorimes, sur la croisade contre les Albigeois.

Cela s’intitule : Aiso es la cansos de la crozada contre els Eretges d’Albeges
Ceci est la chanson de la croisade contre les hérétiques Albigeois

TEXTE ORIGINAL

El nom del Payre e del Fils e del Sant Esperi

Commensa la cansos que maestre Willelm fit

Us clerc qui en Navarra fo a Tudela noirit

Mot es savis e pros si cum lestoria dit

Per clergues e per laycs fo el forment grazit

Per comtes e per vescomte amatz et obezit

Per la destruction que el conosc e vic

En la geomencia quel ac lonc temps legit

E conoc quel pais es ars e destruzit

Per la fola crezensa quavian consentit

E que li ric borges serian en paubrezit

De lor grans manentias don eran eriquit

E que li cavalier sen irian faizit

Caitiu en autras terras cossiros e marrit

Albires e son cor car era ichernit

E de so que volia apert et amarvit

Que el fezes un libre que fos pel mon auzit

Quen fos sa savieza e son sen espandit

Adonc fe aquest libre ez el meteish lescrit

Pos que fo comensatz entro que fo fenit.

TRADUCTION

Au nom du père, du fils et du Saint Esprit
Commence la chanson que maitre Willelm fit
Un clerc qui fut élevé en Navarre à Tuléda,
Très sage et prudent comme l’histoire dit.
Il fut agréable aux clercs et aux laïques
Aimé et désiré des comtes et des vicomtes
Par la destruction qu’il connut et prédit
De la géomancie qu’il pratiquait longtemps
Il sut connaitre que ce pays serait detruit
A cause de la folle croyance qu’il avait reçue
Et que les riches bourgeois seraient pauvres
Perdant les grands biens qu’ils possédaient
Et que les cavaliers iraient en exil dans
D’autres terres de misère et de chagrins.
Il prit dans son cœur la détermination
Etant très habile et très expert
De faire un livre qui fut connu dans le monde
Grâce à sa sagesse et son sens d’ouveture
Il fit le présent livre, l’écrivit lui-même
Du commencement jusqu’à la fin.

Et puis voici un poème du poète du Moyen Âge, Rutebeuf (en ancien français Rustebuef), né à une date inconnue, dans les premières décennies du XIIIe siècle, avant 1230 – mort vers 1285.
Cet extrait a été repris en chanson par Léo Ferré, Joan Baez, Nana Mouskouri, Cora Vaucaire et bien d’autres.

La complainte Rutebeuf (extrait)

Li mal ne sevent seul venir;
Tout ce m’estoit a avenir,
S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé;
Il ne furent pas bien femé,
Si ont failli.
Itel ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
En maint costé,
N’en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté,
L’amor est morte.
Ce sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte
Ses enporta.
C’onques nus ne m’en conforta
Ne du sien riens ne m’aporta.
Ice m’aprent
Qui auques a, privé le prent;
Més cil trop a tart se repent
Qui trop a mis
De son avoir pour fere amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.
Or lerai donc fortune corre
Si entendrai a moi rescorre
Si jel puis fere.

La complainte Rutebeuf (Français moderne)

Les maux ne savent pas seuls venir ;

Tout ce (qui) m’était à advenir

S’est advenu.

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés ?

Je crois qu’ils sont trop clair semés;

Ils ne furent pas bien fumés,

(aus)Si sont fanés.

De tels amis ne m’ont pas protégé,

Jamais, quand Dieu m’a assailli

En maint côtés,

N’en vit un seul dans ma demeure,

Je crois le vent les a ôtés,

L’amour est morte.

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte,

(aussi) Les emporta.

Jamais nul ne me conforta

Ni du sien rien ne m’apporta.

Ceci m’apprend :

Ce qu’aucun a, l’ami le prend;

Mais c’est trop tard qu’il se repent

D’avoir trop mis

De son avoir pour faire amis

Qu’il ne trouve entiers ni demis

A son secours.

Je laisserai fortune courr(ir),

Et n’entendrai qu’à moi rescousse

Si je puis faire.

Je conseille ici la lecture du livre de Patrick de Carolis « Les demoiselles de Provence » concernant cette période. C’est l’histoire vraie de Raimon Bérenger V souverain du comté de Provence et de sa femme Béatrice de Savoie.

Ils ont eu quatre filles : Marguerite qui épousa Louis IX dit St Louis roi de France, Eléonore qui épousa Henri III souverain d’Angleterre, Sancie qui épousa Richard de Cornouaille empereur du St empire Romain Germanique, et Béatrice qui épousa le frère de Louis IX, Charles d’Anjou, Roi de Sicile.

Ce sont des destinées familiales hors du commun.

Au 14ème siècle et début du 15ème :

Peut-être une des pires époques pour les populations.

Le pouvoir temporel au cours du siècle.

Louis X le hutin, fils de Philippe le Bel, roi de 1314 à 1316. Empoisonné.

Philippe V, fils de Philippe le Bel, roi de 1316 à 1322. Assassiné.

Charles IV le Bel, fils de Philippe le Bel, roi de 1322 à 1328. Assassiné.

Philippe VI de Valois, premier roi Valois de 1328 à 1350. C’est sous son règne que se déclenche la guerre de 100 ans et la Terrible épidémie de peste noire.

Jean II le Bon, roi de 1350 à 1364

Charles V le Sage, roi de 1364 à 1380. Duguesclin remporte des victoires sur les Anglais

Charles VI, roi de 1380 à 1422. Le roi est sujet à des crises de folie.

L’Angleterre renforce ses positions en France.

Comme on peut le constater, entre les assassinats ou la folies des souverains, les famines, la peste noire et la guerre de 100 ans ce siècle a fait fort ! Cependant, la Gothie n’a jamais fait partie des possessions anglaises en France.

Le pouvoir spirituel régional

De 1307 à 1315 le siège épiscopal d’Uzes est vacant. Puis il y eut André de Frédol (1315-1318) Guillaume III de Mandagout (1318-1344) Hélias de St Yrieix (1344-1356) Pierre I d’Aigrefeuille (1357-1365) Pierre II Gérard de la Rovère (1365-1366) Bompar (1366-1371) Bernard de St Estienne (1371-1374) Martial (1375-1398).

On peut remarquer que malgré les horribles bouleversements du 14°siècle, le siège épiscopal d’Uzès a été occupé régulièrement à l’exception des premières années.

Le pouvoir local

Nous avons vu que le fief appartenait en 1319 à Jean de Gardies.

Ce siècle de calamités et de turbulences verra les propriétaires ou occupants se succéder. C’est une période propice pour l’achat ou l’appropriation de biens par les moins scrupuleux.

Après Jean de Gardies apparait en 1331 Jean de Malons arrêté et emprisonné à Uzès suite à une bagarre.

En 1340 c’est Robert Pons pour 2/3 du fief et Raymond de Sérignac de Pougnadoresse pour 1/3 qui font « reconnaissance » à l’évêque d’Uzès Guillaume III de Mandagout.

Puis en 1349 la seigneurie est rétrocédée à la famille de Gardies, Guillaume de Gardies devient le propriétaire des lieux.

Puis c’est Raymond et Pons de Combes en 1360.

Grande famine de 1315-1322 et quelques horreurs !

Pendant la période médiévale prospère (la période avant 1250) la population de l’Europe avait éclaté, atteignant des niveaux qui n’ont pas été égalé avant le 19ème siècle et encore certaines régions de la France sont aujourd’hui moins peuplées qu’au début du 14ème siècle!

Cependant les rapports de rendement du blé (le nombre de graines pouvant être mangées par rapport aux nombre de graines plantées) avaient chuté depuis 1280 et le prix de denrées alimentaires s’était élevé. Le bon rapport de rendement pour la survie de la population devait être de 7/1, tandis que pendant les mauvaises années il n’était que de 2/1 – c.-à-d., pour chaque graine plantée, deux graines étaient moissonnées, une pour la semence de l’année à venir, et une pour la nourriture. Par comparaison l’affermage moderne a des rapports de 200/1 ou plus.

La province du Languedoc constitue un exemple classique de la crise agraire. Depuis plus de 150 ans, le Languedoc avait bénéficié de remise en état continue des terres, d’une constante expansion agricole et d’une croissance démographique énorme.

Puis le XIVe siècle a commencé avec quatre années de mauvaises récoltes. Des pluies torrentielles en 1315 ont ruiné la récolte ce qui a eu pour conséquence une famine terrible. Les récoltes ont à nouveau échoué en 1322 et 1329. En 1332, les paysans désespérés ont survécu à l’hiver en mangeant les réserves de semences et des plantes sauvages.

Dans le demi-siècle de 1302 à 1348, les mauvaises récoltes ont eu lieu vingt fois. La population sous-alimentée était mûre pour la « Grande Faucheuse », qui est apparue en 1348 sous la forme de la peste noire.

La grande famine de 1315-1322 est une famine qui a touché toute l’Europe et qui eut un pic important les deux premières années. C’est l’une des premières famines du XIVe siècle. Elle aurait marqué la fin de la croissance démographique qui s’était produite du XIe au XIIIe siècle. Elle aurait causé plusieurs millions de morts.

Figure 107. Dessin Université de Québec à Montréal.

Au printemps de 1315, une forte pluie exceptionnelle a commencé sur toute l’Europe, succédant à un hiver rigoureux.
Tout au long du printemps et de l’été il a continué à pleuvoir et la température est demeurée fraîche. Dans ces conditions le grain n’a pas pu mûrir. La paille et le foin pour les animaux ne pouvaient pas être séchés et il n’y avait aucun fourrage pour le bétail.
Le prix de la nourriture a commencé à monter et a doublé en quelques mois au début de l’été. Le prix du sel a aussi doublé, et il était difficile de l’obtenir étant la seule manière de traiter et conserver la viande que l’on ne pouvait pas sécher. Des stocks de grain pour des urgences à long terme ont été limités aux seigneurs et aux nobles. Les gens ont commencé à ramasser les racines comestibles sauvages, herbes, et écorce dans les forêts.
Au printemps de 1316 il a continué à pleuvoir sur une population européenne privée de l’énergie et de stock alimentaire pour survivre.
Tous les segments de la société des nobles aux paysans ont été affectés, surtout les paysans ce qui a représenté 95% de la population. Pour survivre le futur a été hypothéqué.
Les animaux de trait ont été abattus, le grain de semence mangé, des enfants abandonnés dans les bois pour qu’ils se débrouillent par eux-mêmes (voyez le roman Hansel et Gretel ou l’histoire du petit Poucet).
Des personnes âgées ont volontairement (ou forcées) refusé la nourriture dans l’espoir que la génération plus jeune survivrait, d’autres ont été privées de nourriture par leur proches. Les chroniqueurs de l’époque ont rapporté beaucoup de témoignage de cannibalisme. Des enfants abandonnés ont été mangés par les plus affamés (naissance du mythe des ogres).
Le pic de la famine a été atteint en 1317 et a commencé à décroître. Enfin en été la survie est revenue à des modèles normaux. Mais les gens étaient très affaiblis et devenaient la proie des maladies comme pneumonie, bronchite, tuberculose, et autres, une grande partie des réserves de graines avait été mangée. Il fallut attendre jusqu’en 1325 pour que les approvisionnements alimentaires soient revenus aux conditions relativement normales et que la population recommence à croître.

Les historiens estiment que près de 25% de la population a disparu.

Ce fut une période marquée par des niveaux extrêmes de l’activité criminelle, de la mort par maladie, d’infanticide, et de cannibalisme. Il a eu des conséquences pour l’église, l’État, la Société européenne et ce fut la préparation du terrain pour les futures calamités à venir au 14ème siècle.

Conséquences

La famine s’appelle « la grande famine » non seulement en raison du nombre de personnes qui sont mortes, ou le vaste secteur géographique qui a été affecté, ou la durée où elle a sévi, mais également en raison des conséquences durables.

  • La première conséquence a été pour Église. Aucune quantité ou qualité de prières n’a semblé efficace contre les causes de la famine. Dans une société où le recours final à tous les problèmes avait été la religion, aucune des prières n’aidait et la famine a miné l’autorité institutionnelle de l’église.
  • En second lieu ce fut l’augmentation de l’activité criminelle. L’Europe médiévale au 13ème siècle avait déjà été une culture violente où le viol et le meurtre étaient des affaires communes. Avec la famine même les non-criminels recouraient à tous les moyens de s’alimenter. Après la famine, l’Europe a pris un tournant plus dur et plus violent. Ces effets se sont fait sentir à tous les niveaux de la société. Peut-être que le plus frappant a été dans la guerre, dans la manière dont on s’est conduit au 14ème siècle pendant la sanglante Guerre de 100 ans. Aux siècles précédents 12ème et 13ème siècles, les nobles mourraient plus par accidents dans les jeux de tournoi que sur le champ de la bataille.
  • La troisième conséquence a été l’incapacité des gouvernements médiévaux à traiter la crise. Juste comme Dieu semblait incapable ou peu disposé à répondre à des prières, les puissances terrestres étaient également inefficaces, érodant et minant leur puissance et autorité.
  • Et finalement, la grande famine a marqué clairement la fin d’une période sans précédent de croissance de population qui avait commencé autour de 1050.
  • En conclusion, la grande famine aura des conséquences pour de futurs événements au 14ème siècle tel que La Peste Noire sur une population déjà affaiblie et qui serait frappée encore.

La peste noire de 1347 à 1351 succède à la famine.

La peste bubonique sévissait de façon endémique en Asie centrale, et ce sont probablement les guerres entre Mongols et Chinois qui provoquèrent les conditions sanitaires permettant le déclenchement de l’épidémie. En 1346, les Tatars de la Horde d’Or attaquèrent la ville portuaire de Caffa, comptoir commercial génois, sur les bords de la mer Noire, en Crimée, et y établirent leur siège. L’épidémie, ramenée d’Asie centrale par les Mongols, toucha bientôt assiégeants et assiégés, car les Mongols catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter les habitants de la ville.

Le siège fut levé, faute de combattants valides en nombre suffisant : Gênes et les Tartares signèrent une trêve ; les bateaux génois, pouvant désormais quitter la ville, disséminèrent la peste dans tous les ports où ils faisaient halte : la maladie atteignit Messine en septembre 1347, et Gênes et Marseille en décembre de la même année. Venise fut atteinte en juin 1348. En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen.

Dès lors, l’épidémie de peste s’étendit à toute l’Europe du sud au nord, y rencontrant un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées, des épidémies, un refroidissement climatique sévissant depuis la fin du XIIIe siècle, et des guerres.

La peste noire se répandit comme une vague et ne s’établit pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité moyen d’environ trente pour cent de la population totale, et de soixante à cent pour cent de la population infectée, est tel que les plus faibles périssent rapidement, et le fléau ne dure généralement que six à neuf mois.

Depuis Marseille, en novembre 1347, elle gagna rapidement Avignon, en janvier 1348, alors cité papale et carrefour du monde chrétien : la venue de fidèles en grand nombre contribuant à sa diffusion. Début février, la peste atteint Montpellier puis Béziers. Le 16 février 1348, elle est à Narbonne, début mars à Carcassonne, fin mars à Perpignan. Fin juin, l’épidémie atteint Bordeaux. À partir de ce port, elle se diffuse rapidement grâce au transport maritime.

L’Angleterre est touchée le 24 juin 1348. Le 25 juin 1348, elle apparaît à Rouen, puis à Pontoise et Saint Denis. Le 20 août 1348, elle se déclare à Paris. En septembre, la peste atteint le Limousin et l’Angoumois, en octobre le Poitou, fin novembre Angers et l’Anjou. En décembre, elle est apportée à Calais depuis Londres. En décembre 1348, elle a envahi toute l’Europe méridionale, de la Grèce au sud de l’Angleterre. L’hiver 1348-1349 arrête sa progression, avant de resurgir à partir d’avril 1349.

Figure 108. Peinture médiévale de la Peste Noire © Auteur Inconnu.

En décembre 1349, la peste a traversé presque toute l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, le Pays de Galles, une bonne partie de l’Irlande et de l’Écosse. Elle continue ensuite sa progression vers l’est et vers le nord dévastant la Scandinavie en 1350, s’arrêtant aux vastes plaines inhabitées de Russie en 1351.

Cette progression n’est pas homogène, les régions n’étant pas toutes touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont épargnés comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d’exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne (carte figure 109 ci-après).

En janvier 1348 lorsque l’épidémie atteint Avignon, à la veille de la visite de la reine Jeanne dans la cité pontificale, la maladie a tué 11000 habitants.
La peste arrive dans des pays déjà ravagés par les famines et les début de la guerre de cent ans, dont nous parlerons après, et où l’hygiène est quasi nulle, elle tuera des millions de personnes et marquera profondément les esprits. Le franciscain Michel Platensis en décrit les symptômes :
« bubons, fièvre et crachements de sang. La maladie durait trois jours, le quatrième la victime mourait. »
Les villes prennent une allure apocalyptique : « le père laissait là son fils malade, les notaires de la cité refusaient de venir recueillir les dernières volontés des mourants, les prêtres d’entendre les confessions. Les cadavres étaient abandonnés sur place et personne ne leur donnait de sépulture chrétienne. Les maisons des morts restaient ouvertes, avec bijoux, argent et autres biens précieux, sans personne pour les garder. L’épidémie était survenue si vite qu’on n’avait pas eu le temps de prendre de mesures préventives. Les gens quittèrent la ville en foule et allèrent dresser leurs camps dans les forêts. »

Figure 109. Diffusion de la peste noire entre 1347 et 1351. Travail personnel Flying PC

Par ailleurs, le Moyen Age connaît un fléau toujours présent : la lèpre. C’est à son sujet qu’ont été édictées les principales réglementations sanitaires promulguées avant la peste. C’est elle qui a provoqué, avant la peste, les réactions collectives les plus caractéristiques, allant jusqu’au massacre des lépreux, comme ce fut le cas en France en 1321.
A Périgueux, par exemple, ce massacre s’accompagne de la confiscation de tous les biens des lépreux et s’accomplit dans une atmosphère très semblable à celle qui règnera à Strasbourg lors du massacre des Juifs.
Arrêtés le 16 avril, les lépreux de Périgueux sont brûlés le 27 ; les lépreuses partagent leur sort peu après. Mais, contrairement à ce qui se passera lors des réactions anti-juives de 1348-1349, cette persécution des lépreux est rendue officielle par une ordonnance royale en juin 1321 le roi lui­ même croyait à la responsabilité collective des lépreux.

La peste noire et l’imaginaire collectif.

« Cette année-là, 1348, au mois d’août, on vit au-dessus de Paris une étoile, dans la direction d’Ouest, très grande et très claire. » « Une comète à flamme noire avait annoncé et précédé le fléau. »
La peste est perçue par les contemporains comme une vengeance divine et des populations minoritaires sont accusées d’en être responsable.
Dès 1348, la peste provoque des émeutes antijuives en Provence.

Des groupes de flagellants se forment et tentent d’expier leurs péchés avant l’Apocalypse, car ils pensent que la peste n’est qu’un signe annonciateur. Ils envahissent les villes et villages et terrorisent les populations.
Les arts seront marqués par les danses macabres, représentatives de l’obscurantisme du moyen âge mais dont les valeurs sont intéressantes. Cette forme d’expression est le résultat d’une prise de conscience et d’une réflexion sur la vie et la mort, dans une période où celle-ci est devenue plus présente et plus traumatisante.
Les guerres, les famines et la peste, que représentent souvent les trois cavaliers de l’Apocalypse, ont décimé les populations.
La Danse macabre souligne la vanité des distinctions sociales, dont se moquait le destin, fauchant le pape comme le pauvre prêtre, l’empereur comme le simple soldat.

Une vieille complainte bourguignonne, à propos de Nuits St Georges et Beaune dit :

« En mil trois cent quarante et huit,
A Nuits, de cent sont restés huit.
En mil trois cent quarante et neuf,
A Beaune, de cent sont restés neuf. »

Figure 110. Illustration de la Peste noire tirée de la Bible de Toggenburg (1411).

La peste eut d’importantes conséquences économiques, sociales et religieuses :

La main d’œuvre vint à manquer et son coût augmenta, en particulier dans l’agriculture. De nombreux villages furent abandonnés, les moins bonnes terres retournèrent en friche et les forêts se redéveloppèrent ;

Les propriétaires terriens furent contraints de faire des concessions pour conserver (ou obtenir) de la main d’œuvre, ce qui se solda par la disparition du servage;

Les villes se désertifièrent les unes après les autres, la médecine de l’époque n’ayant ni les connaissances ni les capacités de juguler les épidémies ;

Les revenus fonciers s’effondrèrent suite à la baisse du taux des redevances et à la hausse des salaires ;

L’église aussi y laissa de son autorité. Comme pour la famine aucune quantité ou qualité de prières n’a été efficace contre la peste et elle n’épargna personne.

Des groupes de flagellants se formèrent, tentant d’expier les péchés, avant l’Apocalypse, dont ils pensaient que la peste était un signe annonciateur ;

Les Juifs, les Gitans (les gens du voyage) et une autre peuplade généralement connue sous le nom de cagots, suspectés par la population d’empoisonner les puits, furent persécutés, en dépit de la protection accordée par le pape Clément VI

La peste marqua également les arts : voir en particulier les danses macabres et l’œuvre de Boccace le Décaméron.

Figure 111. Procession de flagellants

Illustrations de la Chronique de Nuremberg, par Hartmann Schedel (1440-1514) Liber chronicarum – 1493

Bilan humain

Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent généralement une période plus longue, mais elles permettent une approximation assez fiable. Les historiens s’entendent pour estimer la proportion de victimes entre 30 et 50 % de la population européenne.

Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, du fait de la concentration de la population, et aussi des disettes et difficultés d’approvisionnement provoquées par la peste.

Il semble qu’en Europe, la diminution de la population était en cours depuis le début du XIVe siècle, à cause des famines et de la surpopulation (la grande famine européenne stoppa l’expansion démographique et prépara le terrain à l’épidémie). Cette décroissance dura jusqu’au début du XVe siècle, aggravée par la surmortalité due à la peste. La France ne retrouvera son niveau démographique de la fin du XIIIe siècle que dans la seconde moitié du XVIIe siècle, voire même du XIXe siècle.

En France, entre 1340 et 1440, la population a décru de 17 à 10 millions d’habitants, une diminution de 41 %. Le registre paroissial de Givry, en Saône-et-Loire, l’un des plus précis, montre que pour environ 1 500 habitants, on a procédé à 649 inhumations en 1348, dont 630 de juin à septembre, alors que cette paroisse en comptait habituellement environ 40 par an : cela représente un taux de mortalité de 40,6 %. L’épidémie fera, 80000 morts à Paris, 16 000 morts à Marseille, 80000 morts à Reims, 50 000 morts à Londres.

En Italie, il est communément admis par les historiens que la peste a tué au moins la moitié des habitants, 100 000 morts rien que dans la région de Naples. Seule Milan semble avoir été épargnée, quoique les sources soient peu nombreuses et imprécises à ce sujet. Des sources contemporaines citent des taux de mortalité effrayants : 80 % à Majorque, autant à Florence, 75 % à Venise, etc.

En Espagne, la peste a pu décimer de 30 à 60 % de la population, en particulier celle de l’Aragon, après neuf épidémies entre 1348 et 1401. En Autriche, on a compté 4 000 victimes à Vienne, et 25 à 35 % de la population mourut.

C’est l’Angleterre qui nous a laissé le plus de témoignages ce qui, paradoxalement, rend l’estimation du taux de mortalité plus ardue, les historiens fondant leurs calculs sur des documents différents : les chiffres avancés sont ainsi entre 20 et 50 %. Cependant, les estimations de population entre 1300 et 1450 montrent une diminution située entre 45 et 70 %.

On estime aussi que la population citadine d’Allemagne a diminué de moitié. Hambourg aurait perdu 66 % de sa population, Brême 70 %.

Figure 11 illustration

Figure 112. © Dessin de François Bourgeon Le dernier chant des Malaterre

Violences contre les Juifs.

Dès 1348, la peste provoque des violences antijuives en Provence.

Les premiers troubles éclatent à Toulon dans la nuit du 13 au 14 avril 1348. 40 Juifs sont tués et leurs maisons pillées. Les massacres se multiplient rapidement en Provence, les autorités sont dépassées à Apt, Forcalquier et Manosque.

La synagogue de Saint-Rémy-de-Provence est incendiée (elle sera reconstruite hors de la ville en 1352). En Languedoc, à Narbonne et Carcassonne, les Juifs sont massacrés par la foule.

En Dauphiné, des Juifs sont brûlés à Serres. N’arrivant pas à maîtriser la foule, le dauphin Humbert II fait arrêter les Juifs pour éviter les massacres.

Ceux-ci se poursuivent à Buis-les-Baronnies, Valence, la Tour-du-Pin, Saint Saturnin et Pont-de-Beauvoisin où des Juifs sont précipités dans un puits qu’on les accuse d’avoir empoisonné.

D’autres massacres ont lieu en Navarre et en Castille. Le 13 mai 1348, le quartier juif de Barcelone est pillé. En juillet, le roi de France Philippe VI fait traduire en justice les Juifs accusés d’avoir empoisonné les puits. 6 Juifs sont pris à Orléans et exécutés. En août, la Savoie est à son tour le théâtre de massacre. Le comte tente de protéger puis laisse massacrer les Juifs du ghetto de Chambéry. En octobre, les massacres continuent dans le Bugey, à Miribel et en Franche-Comté.

Les ashkénazes d’Allemagne sont victimes de pogroms. En septembre 1348, les Juifs de la région de Chillon, sur le lac Léman en Suisse, sont torturés jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement, avoir empoisonné les puits. Leurs confessions provoquent la fureur de la population qui se livre à des massacres et à des expulsions. Trois cents communautés sont détruites ou expulsées. Six mille Juifs sont tués à Mayence. Nombreux d’entre eux fuient vers l’est, en Pologne et en Lituanie.

Plusieurs centaines de Juifs sont brûlés vifs lors du pogrom de Strasbourg le 14 février 1349, d’autres sont jetés dans la Vienne à Chinon. En Autriche, le peuple, pris de panique, s’en prend aux communautés juives, les soupçonnant d’être à l’origine de la propagation de l’épidémie, et Albert II d’Autriche doit intervenir pour protéger ses sujets juifs.

Traitements médicaux de l’époque.

La médecine du XIVe siècle était bien impuissante face à la peste qui se répandait. Les médecins débordés ne savaient que faire devant cette maladie qui les atteignait, tout autant que leurs patients.

Les médecins portaient ce masque, sensé les protéger de la maladie. Dans le « bec » était mis des plantes aromatiques qui devaient préserver la santé du thérapeute … Le bâton servait à ausculter sans toucher le malade, les gants et la grande robe étaient là aussi pour protéger le thérapeute.

Figure 113. Gravure de 1656 et © Photo : Serge Jodra, 2012.

Néanmoins, malgré leur impuissance, quelques conseils, vains, étaient donnés :

  • Brûler des troncs de choux et des pelures de coing ;;
  • Allumer des feux de bois odoriférants dans les chaumières ;
  • Faire bouillir l’eau et rôtir les viandes ;
  • Prendre des bains chauds ;
  • Pratiquer l’abstinence sexuelle ;
  • Pratiquer de nombreuses saignées ;
  • Administrer des émétiques et des laxatifs, l’effet obtenu étant l’affaiblissement des malades qui meurent ainsi plus rapidement, comme pour le traitement par saignées ;
  • Organiser des processions religieuses solennelles pour éloigner les démons
  • Les Thériaques préparées par les apothicaires, passaient pour être une panacée pouvant immuniser et guérir de la peste. Celles préparées à Venise et Montpellier étaient très réputées. Ils la préparaient au cours de la semaine de la thériaque, vers le mois de février. Sa préparation nécessitait plus d’un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plus de soixante-quatre ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés, sans compter le vin et le miel : gentiane, poivre, myrrhe, acacia, rose, iris, rue, valériane, millepertuis, fenouil, anis ainsi que de la chair séchée de vipère, de l’opopanax (plantes herbacées) et des rognons de castor.
Figure 115. Illustration de l’auteur

Il n’est pas possible ici de les énumérer toutes : citons cependant quelques faits intéressant plus particulièrement la région bagnolaise.
En août 1362, le Petit-Meschin, un des chefs des Grandes Compagnies, se trouvait encore près d’Uzès, y exerçant les rapines que l’on imagine. Les ennemis réapparurent en décembre 1364, et s’avancèrent même, le mois suivant, jusqu’à Aramon ; l’armée royale vint camper à Uzès pour les repousser.
Le voisinage d’Avignon et de la cour papale, point de mire des Compagnies, et la proximité du Pont-Saint-Esprit amenèrent encore dans le pays Bertrand Du Guesclin avec ses bandes de routiers, pour extorquer de grosses sommes à Urbain V (novembre et décembre 1365).

Le fameux Bertrand Du Guesclin dont on nous parlait à l’école primaire comme d’un héros, voici ce qu’en dit une chronique de l’époque « petit », « les jambes courtes » et « noueuses », « les épaules démesurément larges », « les bras longs », « une grosse tête ronde et ingrate », « la peau noire comme celle d’un sanglier ».
Une autre chronique contemporaine dit de lui qu’il fut « l’enfant le plus laid qu’il y eût de Rennes à Dinan, et sa brutalité lui valent l’opprobre paternel. Bien que l’aîné d’une fratrie de six enfants, sa mère donne la préférence à ses deux frères, et son père le traite assez mal, refusant de le former à la chevalerie. Il doit gagner le respect de la noblesse à la pointe de son épée et se fait remarquer dès son enfance par sa force, son habileté dans les exercices du corps et ses goûts belliqueux. Lors d’un tournoi sur la Place des Lices à Rennes, où il a interdiction de participer, il défait, masqué, tous ses adversaires, avant de refuser de combattre son père en inclinant sa lance par respect au moment de la joute à la grande surprise de l’assemblée. Il a quinze ans !»

L’année 1368 revit le futur connétable de France avec d’autres capitaines rançonnant les Languedociens et faisant le siège de Tarascon. On n’en finirait pas, dis-je, si l’on voulait seulement détailler la réapparition des routiers dans la sénéchaussée de Beaucaire en 1380, les expéditions des gens du duc de Berry dans les diocèses d’Uzès et de Nîmes contre les villes refusant de reconnaître leur autorité (1381 et 1382), les soulèvements des paysans excédés des maux qu’ils supportaient, les crimes des Tuchins qui, de 1382 à 1384, attaquèrent ou saccagèrent le Pont-Saint- Esprit ; Chusclan, Laudun, Bagnols, Saint-Gervais, Sabran, Cornillon, Montclus, Tresques, Saint-Pons-la-Calm, Cavillargues, Saint-Laurent-des-Arbres, ne laissant derrière eux que des églises brûlées, des habitants mutilés, des campagnes-désertes.

La révolte des Tuchins est une révolte languedocienne survenue entre 1381 et 1384 contre les prélèvements fiscaux et la présence des mercenaires. C’est aussi une organisation de défense active contre les garnisons anglo-gascones. À la suite de la victoire de Rosebecque, épisode de la Guerre de Cent Ans par laquelle les velléités de liberté de la bourgeoisie flamande sont anéanties, la régence exercée par les oncles du Charles VI tourne à la guerre civile sur l’ensemble du territoire du royaume.
Les bourgeois des grandes villes de France, à commencer par ceux de Paris qui avaient défendu l’intérêt de leur classe en soutenant les villes drapantes (spécialisée dans l’industrie de la draperie), sont ruinés ou exterminés au cours de parodie de procès, leurs fortunes détournées par les princes et leurs exécutants. En Languedoc, l’épuration est conduite par le duc de Berry et donne du regain au tuchinat qui devient une guerre totale entre bourgeoisie et noblesse locale d’une part, armée et pouvoir royal d’autre part. Cette résistance à la dictature s’appuie dès lors sur les compagnies anglaises démobilisées et est menée par des bandes armées composées de paysans et d’artisans et soutenue par certains grands seigneurs et l’élite urbaine de la province.

Figure 116. Peinture d’Édouard Vaumort, (1823-1886), gravure de Jean Baptiste Amédée Guillaume, (1822-1893), parue dans Henri Martin, Histoire de France populaire, Paris, 1886. La révolte des paysans.

Ajoutons à tout cela, les brigandages de Raymond de Turenne, de 1389 à 1399 ; les épisodes de la lutte de Boucicaut, dont les troupes logèrent près le Pont-Saint-Esprit, contre les Aragonais de Benoît XIII enfermés dans le palais d’Avignon (1399) ; la querelle des Armagnacs et des Bourguignons, qui ensanglanta les vigueries d’Uzès, de Bagnols et du Vigan (1418-1419) ; le siège et la prise du Pont-Saint-Esprit par le dauphin, en mai 1420 ; la réapparition des routiers en 1426, 1428, 1430, 1432 ; les exploits, en 1432 et 1433, de Rodrigue de Villandandro et de l’armée réunie par le cardinal et le comte de Foix pour soumettre Avignon et le Comtat au pape Eugène IV, etc.

Cette succession de guerres contribua notablement à changer la physionomie d’un grand nombre de nos villages et de leurs églises et dut certainement en faire disparaître plus d’une : suivant les instructions données par les représentants du roi ou les États, les villes consolidèrent leurs fortifications et en bâtirent de nouvelles, les villages eux-mêmes s’entourèrent de solides remparts de bois ou de pierres ou fortifièrent leur châteaux et églises, . Les églises étant considérées comme le dernier refuge des habitants (on l’avait vu au Pont-Saint-Esprit en 1360), prirent l’aspect de forteresses : on suréleva leurs murailles, on ferma les ouvertures trop faciles d’accès, des défenseurs furent installés dans des appartements, pratiqués au-dessus des absides et éclairés par des meurtrières, des guetteurs veillèrent sur les grosses tours qui furent édifiées pour servir de clochers, etc.
Ces transformations s’effectuèrent surtout entre 1360. et 1380 ; c’est d’ailleurs l’époque où furent construits ou augmentés presque tous les murs d’enceinte des villes, bourgades et villages de la région, depuis Avignon, Carpentras, Nîmes, Alais, Uzès, le fort Saint-André à Villeneuve-lès-Avignon, Bagnols, etc.

Ainsi à Bagnols, dès le 21janvier 1362, on se préoccupait de remédier à l’insuffisance des fortifications et le conseil de ville prenait des mesures en conséquence (Archives municipales, BB 1) en mars 1365, des impositions étaient mises sur les habitants, sur l’ordre du maréchal d’Audrehem, pour les mêmes travaux.
On a encore conservé dans les archives (BB4) l’ordonnance du 26 février 1368 sur les fortifications et leur garde. Enfin, M. Deloye a publié un éclaircissement sur un devis et marché concernant la construction d’une tour des remparts de Bagnols en 1368, dans la Revue des Sociétés savantes, 4e série, t. II (1865), p. 261. Il s’agit de l’ancienne porte, dite du Posterlon.
Un ancien inventaire des titres de la maison de Caderousse (Archives départ, de Vaucluse, fonds de Caderousse, E 4) signale, à la date de 1379, une commission du roi pour bâtir les murailles de Codolet et taxer les habitants de ce lieu à l’effet de payer la dépense.

On peut citer, parmi les églises qui ont été fortifiées à cette occasion, celles de Goudargues, Saint-André-de-Roquepertuis, Saint-Marcel-de-Careiret (démolie au 19° siècle), Saint-Laurent-des-Arbres, Tresques, peut-être Codolet, Orsan, Connaux, et un peu plus tard la chapelle de Saint-Jean d’Orgerolles.

En même temps, les religieuses et les moines, dont les couvents furent surpris par les premières invasions, durent abandonner la campagne et se retirer à l’abri des remparts des villes voisines. C’est le sort qui échut aux Cordeliers de Bagnols, d’Alais et d’Uzès, aux Bénédictines de Valsauve et de Fours près de Villeneuve-lès-Avignon, aux Cisterciennes de Notre-Dame-de-Fons près d’Alais, et à bien d’autres encore. Le pays, naguère si riche et si peuplé, ne présentera plus que l’aspect d’une campagne désolée, hérissée de châteaux et de forteresses, grandes ou petites et de villages détruits.

Voici un exemple typique de la désolation du pays qui est donné par la charte de fondation de l’ermitage de Carsan en 1424, « Considérantes quod locus ille predictus de Carsano, propter carentiam persotiarum, effectus est desertus et inhabitabilis, ecclesia et claustrum prefatum sunt tota in ruinam constituta…» (Gallia christiana, t. VI, pr., col. 309) Que l’on peut traduire par : « A propos de Carsan, ce bel endroit précédemment cité, par suite de la négligence des responsables, est devenu un lieu déserté et inhabitable, l’église et le cloître évoqué étant totalement ruinés. »

Que peut-on dire de St André d’Olérargues en ce XIV° siècle ?

Les villes du nord furent plus durement touchées, cependant le village n’a pas dû être épargné à l’image du reste du pays.
Ceux qui avaient survécu à la famine durent faire face à la peste et les survivants durent subir les pillages, meurtres et viols des routiers et des brigands pendant la guerre de 100 ans et les troubles qui suivirent. C’est a cette période que fut érigé le château de St André d’Olérargues pour pour qu’il y ait une place forte de refuge dans la région, sans doute sous l’influence de l’évêque d’Uzès, le suzerain.

La mort de plus de la moitié de la population a entrainé la désolation et la mise à l’abandon des terres et des maisons réduites à l’état de ruines. Combien de cadavres sont dans le sol qu’aujourd’hui nous foulons innocemment ! Tout était à refaire et à reconstruire.
Les terres à l’abandon ont peu à peu été reprises par les survivants et ont changé de mains. C’est aussi sans doute à cette époque qu’une partie des terres nobles du seigneur, mais laissées à l’abandon sont devenues roturières et exploitées par les villageois pour leur propre compte. C’est aussi pourquoi, pendant les siècles suivants, les seigneurs du lieu ont essayé vainement de faire valoir leurs droits sur ces terres qui peu à peu leur avaient échappé et étaient réhabilitées pas le travail patient et difficile des paysans locaux.

Je renvoie le lecteur au paragraphe ci-dessus concernant le pouvoir local et à la description, faite par le chanoine Roman dans sa monographie, sur la succession complexe des propriétaires ou copropriétaire des terres de la seigneurie à cette période.

Le château

Figure 117. Dessin de l’auteur.

Description générale.

On ne connait pas la date exacte de l’édification des premières pierres du château.

Grâce à l’amabilité d’un futur acquéreur de cette bâtisse, que nous remercions vivement, nous avons pu avoir accès à une étude patrimoniale réalisée en 2004 par Claude PRIBETICH AZNAR. Architecte du Patrimoine – 30900 NIMES.

Une partie des indications mentionnées ci-après sont issues de cette étude.

Pour estimer la date des travaux il faut étudier d’une part, l’histoire de l’époque pour y déceler quelles ont pu être les motivations du propriétaire pour construire une telle bâtisse. D’autre part il faut étudier l’architecture du bâtiment qui peut apporter des indications précieuses de datation.

D’aspect massif, la construction présente la disposition d’un logis cantonné de quatre tours circulaires. L’une d’entre elles (sud/est) est de taille et de structure différente des trois autres (fig. 117-1). Le corps central, sensiblement carré, est partagé, dans le sens nord/sud, par un refend. Répartis sur trois niveaux, les volumes habités sont composés aujourd’hui d’un rez-de-chaussée occupé par des annexes agricoles, d’un premier étage habité en partie, jusqu’il y a une dizaine d’années, par le propriétaire et d’un second étage de combles.

Figure 117-1. Photo de l’auteur.

Rappel du Contexte Historique :

On peut dire que ceux qui ont survécu à la famine du 14° siècle durent faire face à la peste qui suivit et les survivants durent subir les pillages, meurtres et viols des routiers et des brigands pendant la guerre de 100 ans. Pour rappel la guerre dura cent ans mais pas les combats. Il y eut de longues périodes ou la « soldatesque » ne combattait pas, ni pour un camp, ni pour l’autre. Ces routiers livrés à eux-mêmes pillaient les villages et l’insécurité était grande.
Dans ce climat on peut aisément imaginer que le seigneur du lieu ait voulu construire un habitat fortifié pour protéger ses gens et ses serfs, voire pour stocker ses récoltes. De plus le château était pour lui un abri sécurisé pendant ses déplacements.

Donc historiquement cette période du 14° siècle a été propice à la construction d’une première bâtisse fortifiée.

QUELQUES DATES ET FAITS HISTORIQUES IMPORTANTS.

En 1260, dans la reconnaissance que fait Dame Hermessinde à son suzerain l’évêque d’Uzès, elle cite le fief de St André d’Olérargues, mais elle n’y mentionne pas la présence de château en ce lieu, comme elle le fait cependant pour d’autres villages.

Le fief appartenait en 1319 à Jean de Gardies. Ce siècle de calamités et de turbulences verra les propriétaires ou occupants se succéder. Après Jean de Gardies apparait en 1331 Jean de Malons. En 1340 c’est Robert Pons pour 2/3 du fief et Raymond de Sérignac de Pougnadoresse pour 1/3 qui font « reconnaissance » à l’évêque d’Uzès Guillaume III de Mandagout. Puis en 1349 la seigneurie est rétrocédée à nouveau à la famille de Gardies, Guillaume de Gardies devient le propriétaire des lieux. Puis c’est Raymond et Pons de Combes en 1360 coseigneurs alliés des de Gardies.

Cette période où les propriétaires ou copropriétaires du fief se succèdent semble peu propice à la construction d’une bâtisse.

Par contre, après 1349 les de Gardies et leur descendants et/ou alliés restent possesseurs de la terre jusqu’en 1454. Ceci représente près de cent ans de stabilité, qui a pu être propice à une construction fortifiée.

Sur Le Plan Architectural

Il faut remarquer que cette construction a été beaucoup modifiée et remaniée au cours des siècles. Les ouvertures initiales obturées et les créations de nouvelles ouvertures sont nombreuses et certaines de ces dernières ont même été rebouchées.

LES ORIGINES MEDIEVALES DU CHATEAU:

Différentes observations, entre la construction Est et la construction Ouest de la bâtisse : comme la nature des matériaux, l’épaisseur différente des murs, le manque de liaison et d’ancrage des murs Est sur les murs Ouest, la présence d’anciennes ouvertures bouchées sur le refend central nord/sud, tendent à démontrer la présence d’un premier élément temporel de la construction.
Par exemple dans le mur de refend intérieur, les vestiges d’une petite fenêtre à feuillure éclairait une salle occupant l’emplacement de la grande salle Est du rez-de-chaussée actuel. Sur la paroi extérieure de l’escalier, une baie dont le linteau monolithe est visible dans l’escalier (fig. 117-2), ouvrait sur cette tourelle primitive.

Figure 117-2. Photo de l’auteur.
De même la présence d’un soubassement plus large, visible dans la grande salle du rez-de-chaussée à la base du mur de refend nord-sud et sur la base de la tour d’escalier, côté nord, attire l’attention. Les blocs plus gros, toujours irréguliers, sont de couleur plus sombre et l’on perçoit la trace d’un remaniement correspondant à la reconstruction de la tour de l’escalier et à la surélévation de ce refend.
L’hypothèse qu’un premier château médiéval ait existé, comme l’indique le chanoine Roman dans sa monographie sur St André d’Olérargues, pourrait trouver appui sur ces observations et devait ressembler à peu près, au dessin ci-après.

 

Figure 117-3. Dessin de l’auteur.
Cependant, s’il est facile d’imaginer que ces vestiges anciens aient pu servir de fondements à la construction future, on ignore tout ce qui a été conservé. On peut facilement comprendre que les pierres de la bâtisse primordiale aient pu servir de matériaux pour les travaux futurs et les fondations d’assises à la construction.

1394. La Fête de Fous. Pour terminer ce siècle par une note plus festive quoique …

Léon Ménard dans son Histoire Civile, Ecclésiastique et Littéraire de la ville de Nîmes, édité en 1770 à Paris, nous parle de la Fête des Fous qui fut interdite à partir de 1394. La gravure ci-après est issue de cet ouvrage.

Figure 118. Numérisation de l’auteur.

Je cite Léon Ménard (extraits) :

« En ce temps-là, l’établissement d’une fête bizarre, qui avait lieu dans la plupart des églises du monde chrétien, et en particulier dans celle de Nîmes, sous le titre de fête des fous commença de recevoir ici les premières atteintes.
Cette sorte de fête se célébrait aux jours de Noël, en signe de joie de la naissance de Jésus-Christ. Elle consistait en des danses et des profanations qui se faisaient dans les églises même, entre les prêtres et les laïques des deux sexes.
Ces réjouissances toutefois n’étaient pas les mêmes partout. On en faisait de plus ou de moins impies, quelques-unes sacrilèges, accompagnées d’excès, d’abominations et de débauches, selon les lieux et les coutumes (…) On fit en France des prières publiques pour en demander à Dieu la cessation, et obtenir l’union de l’église. Ce fut dans ces conjonctures que Gilles Vivien, lieutenant général du sénéchal Guillaume de Neillac, interdit à Nîmes la célébration de la fête des fous.

Dans l’ordonnance qu’il rendit à ce sujet le 25 de décembre de cette année 1394, jour même de Noël (…) il exposa que l’église devait être dans la désolation et dans l’affliction, à cause du schisme causé par le chef , qui la déchirait dans toutes ses parties, tout ainsi que les membres du corps humain se ressentaient de la maladie qui attaquait la tête ; que par conséquent il ne convenait point qu’on fît, en ces malheureux temps, des danses et des réjouissances dans les églises , qui n’étaient d’ailleurs que des maisons de prières: que les danses qui se faisaient en quelque église de Nîmes, entre des personnes des deux sexes, étaient d’autant plus scandaleuses et répréhensibles, qu’on ne devait s’occuper que de prières, et tâcher d’obtenir de Dieu l’union et la paix. Sur ces motifs, il ordonna que ces sortes de réjouissances cessent dans les églises de Nîmes et des environs, et enjoignit au sous viguier d’aller publier cette défense, avec un notaire et le crieur public, dans tous les carrefours accoutumés de la ville (…)

La défense fut donc publiée le jour même, pendant les vêpres, à son de trompe, et dans les rues et devant le portail de l’église cathédrale. La proclamation se fit en Languedocien, comme c’en était alors l’usage. (…)

D’un autre côté, les chanoines s’assemblèrent ce jour-là et nommèrent pour appeler de même au roi, en leur nom, six d’entre eux, (…) Les raisons contenues dans les deux actes signifiés au nom des chanoines pour établir leur appel, portaient en substance que les danses et les réjouissances que le lieutenant du sénéchal avait défendues s’étaient faites de temps immémorial ; que tout s’y passait avec décence et dans l’esprit même de l’église, que, pour s’en convaincre, il n’y avait qu’à en suivre le détail, que tous les ans le jour de Noël, après vêpres, les plus jeunes chanoines élisaient un évêque et qu’après son élection commençaient les réjouissances; que les danses se faisaient dans un esprit d’union et d’amitié fraternelle entre les chanoines et leurs parents des deux sexes ; qu’on y admettait les nobles, les bourgeois, les marchands et autres, de même que leurs femmes et leurs filles, que ces démonstrations de joie duraient trois jours complets, c’est-à-dire qu’elles commençaient après vêpres du jour de Noël, et finissaient après complies de la dernière fête, mais qu’aucun de ces jours on ne dansait point que les offices ne fussent finis, que ces danses, au surplus, n’avaient pour objet qu’une simple allégresse entièrement conforme à la fête du jour ; que celles de Noël étaient célébrées pour honorer la crèche du souverain pasteur et l’enfance du sauveur du monde ; aussi était-ce l’évêque élu pour cette fête qui en faisait ce jour-là toutes les cérémonies ; que les réjouissances du jour de saint Etienne regardaient les diacres, en l’honneur de ce saint, qui était diacre et le premier martyr du nouveau testament ; que celles de saint Jean, l’évangéliste, étaient célébrées par les prêtres pour honorer cet apôtre, qui était évangéliste, prêtre et le disciple bien-aimé de Jésus-Christ ; que celles enfin du jour des innocents appartenaient aux plus jeune chanoines et aux clercs, en l’honneur de ces saintes et innocentes victimes ; que ces danses ne se faisaient pas dans le chœur de la cathédrale, mais dans la nef ; que dans cette nef il n’y avait point d’autel ; que le saint sacrement de l’eucharistie n’y reposait pas ; qu’il n’y avait ni reliques de saints, ni tombeaux de fidèles, comme en faisait foi le pavé qui était aussi uni que le marbre ; qu’on n’y voyait pas même des tombeaux de cardinaux, d’archevêque, d’évêques, de prélats, qui étaient tous placés contre le maître-autel, ou dans le chœur, ou dans les chapelles ; qu’après tout de si pieuses réjouissances ne devaient être célébrées que dans un lieu décent, saint, respectable, en un mot tel qu’une église ; qu’à la vérité on avait quelquefois choisi pour cela la maison de l’évêque, mais c’était lorsque le pavé de la cathédrale se trouvait trop humide par les grandes pluies qui pouvaient être alors survenues ; que de semblables fêtes se pratiquaient aussi dans toutes les églises du monde chrétien ; qu’elles avaient été permises et autorisées par les commissaires que le pape avait autrefois envoyés pour travailler à la réformation de l’église de Nîmes ; que même ces jours-là les chanoines de cette ville, suivant les statuts de leur église, étaient dispensés de l’observance de la règle, en signe de joie pour la célébrité des fêtes (…) ».

Et comment parlait-on à cette époque ?

1303-1305 : Diffusion du terme de langue d’oc suite à l’essai renommé De vulgari eloquentia de Dante Alighieri.
1356 : Promulgation à Toulouse des Leys d’Amors rédigées par le toulousain Guilhem Molinier (traité de grammaire & de rhétorique occitanes)

Voici un témoignage de la main même du Dauphin Charles (futur Charles VII) c’est une lettre concernant les habitants de Bagnols. Ce document donne quelques détails intéressants et on voit comme le langage devient presque identique à celui que nous utilisons aujourd’hui :

« tant par le sejour de gens d’armes et de guerre et de leurs chevaulx, qui s’est fait en ladite ville de Baignolz par l’espace de neuf sepmaines ou environ, pour la recouvrance et réduction de la ville du Pont Saint-Esperit, et aussi des alées et chevaulchées (…) icelle ville de Baignolz (…) est depopulée et comme inhabitée en la plus grant partie d’icelle, telement que en ladite ville, qui souloit estre une des riches et plus fertiles du pais, on n’y puet a présent trouver que vivre».

Je ne résiste pas au plaisir de citer François VILLON (1431-?) je joins l’explication du texte, non point pour étaler ma science mais simplement parce qu’il est très intéressant de bien comprendre ce texte.

Ballade des Dames du temps jadis

Dites-moi où, n’en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut chastré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu’Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

Prince, n’enquerrez de semaine
Où elles sont, ne de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d’antan ?

01 Dites-moi où, n’en quel pays,
Pays : en toute rigueur, il faudrait prononcer « païsse », à l’occitane, ou « pèïsse », pour rimer avec « Thaïs ». Cela rimait du temps de Villon, cela ne rime plus en Français moderne…
02 Est Flora la belle Romaine,
C’était une courtisane très célèbre qui légua aux romains de grandes richesses. En son honneur furent instituées les Floralies.

03 Archipiada, ne Thaïs,
Archipiades parfois écrit Achipiada est vraisemblablement Alcipiade, (450 ¬- 404 av. J.-C.), un des disciples de Socrate si j’ai bonne mémoire, qui était célèbre pour sa beauté et dont, à défaut de textes de première main, on ne savait pas trop à l’époque de Villon si c’était une femme ou un homme. D’autant plus qu’étant grec, ses mœurs pouvaient prêter à confusion….. L’erreur viendrait d’un passage mal traduit de la Consolation de Philosophie de Boèce. Ainsi à cause d’une erreur d’interprétation et de traduction un loup s’est glissé dans la bergerie des Dames du temps jadis.
Ne : le « ne » avant Thaïs, ce n’est pas « né »(naissance), c’est une conjonction de coordination « ne » qui a donné plus tard notre « ni ». Ici, elle a seulement la valeur de « et » ou bien de « ou ».
Thaïs : il s’agit vraisemblablement de sainte Thaïs (IVe s.), courtisane égyptienne qui se convertit au christianisme.
04 Qui fut sa cousine germaine,
Sa cousine germaine : sous-entendu : cousine par la beauté.

05 Echo, parlant quand bruit on mène
Echo : était, une nymphe dont Jupiter était amoureux (encore une) pour sa grande beauté.
Quand Junon s’en est aperçue, elle lui a interdit de paraître devant quiconque et l’a condamnée à répéter les paroles des voyageurs de passage. (Attention aux femmes jalouses!)
06 Dessus rivière ou sus estan,
07 Qui beauté eut trop plus qu’humaine.
Plus qu’humaine donc des beautés divines
08 Mais où sont les neiges d’antan ?
Antan : à l’époque de Villon, signifie : l’an passé.
Il s’agit donc de neiges de l’an passé et le propre des neiges de l’an passé, c’est qu’elles ont fondu, comme ont disparu les beautés célèbres du passé. Ç’est l’interprétation courante.
Pour ma part je pense que Neiges désigne ces beautés à la peau si blanche (par opposition aux paysannes, bronzées à force de travailler à l’extérieur).
Ainsi 300 ans plus tard, les frères Jacob et Wilhelm Grimm ont en 1812 été inspirés par un vieux mythe germanique et écrit Blanche Neige. J’en veux aussi pour preuve que s’il s’agissait de la neige, il serait question de la neige d’antan et non pas des neiges.
09 Où est la très sage Héloïs,>
Helloïs, ou Héloïse, nièce du chanoine Fulbert, célèbre par son amour pour son précepteur Abélard, qu’elle épousa en secret et dont elle eut un fils. Après leur séparation, elle entra au couvent.
10 Pour qui châtré fut et puis moine
Moine, essoine: les mêmes rimes se retrouvent dans chacune des strophes de cette ballade : -is/-ène/-is/-ène. Pour conserver ici cette rime, il faudrait prononcer, comme au temps de Villon : « mwène/ esswène »
11 Pierre Abélard à Saint Denis ?
Saint Denis. Ici, prononcer bien le « s », pour la rime avec Héloïs
Pierre Esbaillart : le texte donne : « Pierre Esbaillart » mais il s’agit bien de l’Abélard de l’histoire d’Héloïse et Abélard. Pierre Esbaillart ou Abélard ou Abailard, philosophe et théologien français. L’histoire de sa passion pour Héloïse, et son émasculation par des gens à la solde de Fulbert l’ont rendu célèbre. Il enseigna à Paris la théologie et la logique.
Chastré ; si j’ai bonne mémoire, le Lagarde et Michard indiquait pudiquement « châtié ».
Chastré est le terme qui désigne ici la castration et non pas le châtiment simple.
12 Pour son amour eut cette essoine.
Cette essoine: cette peine, le mot « essoine » a disparu du vocabulaire moderne ; il signifiait épreuve, malheur.

13 Semblablement, où est la reine
14 Qui commanda que Buridan
Buridan (1300 – 1358), philosophe français célèbre pour son argument de l’âne qui crève de faim car il n’arrive pas à se décider entre deux bottes de foin de taille égale et également appétissantes. Suivant une rumeur aussi fausse que persistante, Buridan était associé aux orgies de Marguerite de Bourgogne et de ses belle-soeurs, toutes trois brus de Philippe-le-Bel. Ces parties fines se terminaient dans la Seine pour les amants d’un soir.
Alexandre Dumas et Michel Zévaco ont exploité le filon qui a été repris au cinéma : au moins trois versions de « La Tour de Nesle ».

15 Fût jeté en un sac en Seine ?
Buridan, informé du funeste destin des amants d’un soir (que sa majesté enfermait dans un sac avant de les précipiter dans la Seine), demanda à ses élèves de l’attendre en contrebas de la fenêtre de la reine, dans une barque remplie de foin pour amortir sa chute. Et ainsi il fut sauvé de la noyade…
16 Mais où sont les neiges d’antan ?
17 La reine Blanche comme un lis
La reine Blanche : Blanche de Castille, mère de saint Louis. Blanche : signe de beauté, de noblesse (une neige d’antan)

18 Qui chantait à voix de sirène,
19 Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Berthe au grand pied : reine des Francs, épouse de Pépin le Bref, donc mère de Charlemagne.
Beatrix ou Béatrice personnage de la Vita Nuova (entre 1292-1294) et de la « Divine Comédie » inspiré à Dante par la Florentine Béatrice Portinari (1265-1290). Incarnation de la beauté et de la bonté objet d’amour et de contemplation, elle est la muse et le guide du poète dans sa quête du salut.
Aliz: probablement pour « Alix de Savoie », reine de France, épousa Louis VI en 1115.
20 Haramburgis qui tint le Maine,
Haramburgis : fille d’un comte du Maine qui vécut fin XIIe, début XIIIe siècle. Erambourg du Maine, morte en 1126, fut comtesse du Maine et dame de Château-du-Loir de 1110 à 1126. Elle était fille d’Élie Ier de la Flèche, comte du Maine, et de Mathilde de Château du Loir.

21 Et Jeanne, la bonne Lorraine
Jeanne d’Arc, forcément. On ne la présente plus, la « Pucelle d’Orléans ». (Elle ne devait pas être trop « neige »)

22 Qu’Anglais brûlèrent à Rouen ;
23 Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
où… Dans certaines versions moderne on ne prononce pas ce « où » à l’époque de Villon, souveraine s’écrivait « souvraine »… donc en ne prononçant pas « où » et en prononçant « souveraine », le nombre de pieds est bon… (mais, on s’éloigne de l’original)
Par ailleurs, le « ils » de où sont-ils est correct, il s’agit bien d’un féminin pluriel: il semble que ils et elles aient cohabité assez longtemps dans notre langue avant de se dissocier clairement. Tous deux viennent du même pronom latin (illi au masc. pl. et illae au fém. pl.).

24 Mais où sont les neiges d’antan ?
25 Où sont-ils, où, Vierge souveraine ?
26 Mais où sont les neiges d’antan ?
27 Prince, n’enquerrez de semaine
N’enquerez: enquerrer vient du verbe quérir, et a la signification de rechercher, donc Ne cherchez pas cette semaine.

28 Où elles sont, ne de cet an,
Ne pour ni comme au vers 03
29 Que ce refrain ne vous remaine
Remaine : ramène